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Publié le mercredi, 12 février 2020 à 14h35

Amare Amaro, film de Julien Paolini

Par Amélie Ravaut

Amare Amaro, une scène du film

Le 19 février 2020 sortira en salles Amare Amaro de Julien Paolini. Le jeune réalisateur franco-italien, après une série de clips et de courts-métrages diffusés dans le cadre de festivals ou à la télévision, signe un premier long sélectionné à plusieurs reprises en compétition et notamment vainqueur du grand prix du Festival Polar de Cognac. Amare Amaro, relecture contemporaine et affichée d’Antigone, permet au réalisateur et à son coscénariste, Samy Baaroun, d’opérer une transposition de la tragédie dans la Sicile de nos jours et nous invite à réfléchir à la survivance de ses thématiques et figures dans notre société.

Gaetano, un jeune homme taciturne, vit et travaille avec son père dans la boulangerie d’un village sicilien dont sa mère était originaire. Avec son frère, un truand notoire, ils n’ont jamais été véritablement intégrés à la communauté du village qui continue de les appeler les français. Lorsque le frère décède dans des circonstances aux contours un peu flous, entrainant avec lui deux figures respectables du village, Gaetano apprend de la bouche de la maire, Enza, qu’il ne pourra être enterré auprès des siens dans le cimetière communal. D’après la tradition, les personnes de « mauvaise nature » ne peuvent troubler le repos éternel des honnêtes gens. Gaetano décide alors de lutter coûte que coûte pour honorer la mémoire de son frère et l’honneur de sa famille, accompagné dans sa mission par Anna qui lui voue un amour sans faille mais qui n’est autre que la fille d’Enza.

Cette trame narrative permet aux deux auteurs de dresser des portraits forts, en premier lieu Gaetano, incarné par l’acteur français d’origine iranienne Syrus Shahidi, taiseux mais charismatique et Enza, interprétée par l’actrice Celeste Casciaro, personnage de femme puissante qui porte et supporte le poids de la tradition. Peu de dialogues entre eux, mais l’affrontement de deux visages, de deux postures, de deux histoires. Ici Créon est une femme, Antigone, un jeune homme.

Refusant toute considération d’ordre psychologique, les personnages du film tiennent plus valeur d’archétypes, mus, chacun, par la force des sentiments, des convictions, des désirs et de l’honneur. La tragédie de Sophocle se teinte de nouvelles couleurs et perspectives, enrichie par l’expérience de l’Histoire, notamment la plus actuelle. Le découpage des scènes en « tableaux » (essentiellement des plans-séquence), rend encore plus visible le noyau moteur du récit : une confrontation aux multiples ramifications. Entre autre : la tradition et ses codes d’honneur, l’amour filial, le sentiment d’appartenance à une communauté, l’ostracisme dont peut être victime celui qui vient d’ailleurs.

La séquence d’ouverture, très belle, nous montre le réveil du village : un jeune garçon parcourt les ruelles et places annonçant aux habitants les trois décès de la nuit. Dans cet espace clos du village, redoublé par l’insularité, cette scène suggère, par les déplacements sinueux et répétitifs de l’enfant, cette idée de ramification, d’enracinement symbolique voire labyrinthique. Une majeure partie du film joue de cette tension entre la beauté plastique de l’image, c’est-à-dire des paysages siciliens, avec une lumière ténue, des horizons larges, des cadrages harmonieux, et la dimension organique, violente, viscérale du lieu. C’est donc très naturellement que la question de la sépulture s’impose : reposer au sein de cette terre et finir par s’y confondre pour ne faire plus qu’un avec elle. Julien Paolini, qui vit entre Paris et Palerme, parvient à nous faire finement ressentir que l’appartenance à une communauté est liée à l’inscription dans le temps et l’espace (que l’on prend et qu’on nous accorde), même si parfois, cet attachement, à un goût amer.

A noter que le Forum des images organise, le lundi 17 février, la projection en avant-première du film, en présence de l’équipe. Des places sont à gagner à cette occasion, puis lors de la sortie nationale.

Informations pratiques
  • Sortie nationale le 19 février 2020
  • Avant-première le 17 février 2020 à 19h30 au Forum des images

Jeu-concours des places à gagner réservé aux abonnés à notre lettre
(pour participer au concours, cliquez sur ce lien et répondez aux trois questions)