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Publié le vendredi, 26 mars 2010 à 12h25

Photo de famille en quarantaine

Par Stefano Palombari

C’est un film très étrange, qui transmet aux spectateurs une sensation de profond malaise. Et ça dès les premières scènes. Tout se passe pratiquement à huit clos. Dans la maison familiale isolée au beau milieu de la campagne. Les personnages sont enfermés, prisonniers. Le geôlier n'est rien d’autre que la famille. Pour rendre encore plus fort les sentiments de culpabilité vis à vis de cette dernière, Bellocchio y ajoute des handicaps, qui frustrent de factu toute volonté de fuite.

Augusto est le seul qui réussit, de temps à autre, à s’échapper de cet enfermement volontaire. Il sort souvent avec sa fiancée Lucia. Il ne rêve que de se marier, ce qui correspond dans l’Italie de cette époque à la seule possibilité d'affranchissement de la famille. Une fois marié il voudrait aller vivre en ville. Cependant la situation n’est pas facile. Tout d’abord, pour des raisons économiques. Augusto est le seul qui travaille, ce qui fait que sans lui, ni sa mère ni ses trois frères et sœur  ne pourraient survivre. Et puis aussi car entre son frère Alessandro, sa sœur Giulia et lui, il y a un ambigu jeu de rôles, vaguement incestueux. Leone, le troisième frère, est attardé et dépend totalement des autres. Sans compter, l’aveuglement, au sens propre et figuré de leur mère, qui est considéré comme le premier obstacle pour la réalisation de leurs rêves.

C’est Alessandro, qui décide de faire changer les choses. A sa propre façon. Sensible et cultivé, il souffre de crises d’épilepsie, ce qui lui vaut d’être considéré comme fou par les habitants de la ville.  C’est lui la clef du film. Avec son caractère timide et enfermé, il incarne une attitude très répandue parmi les jeunes adolescents, celle d’attribuer à des causes extérieures les raisons de ses propres échecs. Parfois il ne s’agit même pas d’échec car pour échouer il faut avoir eu d’abord le courage de tenter. Et c’est ce dernier qui manque avant tout. Un film d’une rare complexité et originalité, truffé d'éléments de réflexion, si l’on considère que c’est le premier film de Marco Bellocchio, qui n’avait que 25 ans lorsqu’il l’a réalisé.

Lou Castel (Alessandro) dans une scène du film
critique du film Les Poings dans les poches