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Publié le dimanche, 11 novembre 2012 à 14h34

Rose tatouée, parfum d'amour

Par Francesco Romanello

Tirée de la pièce éponyme du dramaturge américain Tennessee Williams, La Rose Tatouée évoque le fantôme de l’immense Anna Magnani qui en 1956 remporta un Oscar pour son interprétation de Serafina Delle Rose, sicilienne passionnée et impétueuse transplantée aux États-Unis. Dans cette version théâtrale présentée par le Théâtre de l’Atelier, Serafina a le corps, la voix et la sensualité de Cristiana Reali, elle aussi femme du Sud et "immigrée" de par ses origines italo-brésiliennes, qui incarne ce personnage encombrant avec passion, humour et auto-dérision.

Nous sommes dans les années cinquante, en Louisiane, dans le sud des États-Unis si cher à l'auteur, entre bananes et chaleur, au milieu d’une communauté chaotique d’émigrants italiens régie par ses rites, ses potins, ses superstitions, ses objets votifs. C'est ici que vit Serafina, couturière professionnelle, avec sa fille Rosa et son mari Rosario Delle Rose, beau chauffeur de camion magouilleur et machiste. Tout à coup devenue veuve, accablée de douleur - les cendres de son mari jalousement gardées dans une urne dans le salon - Serafina s’enferme obstinément dans un deuil qui la coupe, elle et sa fille, hors de la vie pendant trois ans. Jusqu’à la rencontre improbable et clownesque avec un homme, Alvaro Mangiacavallo (interprété par Rasha Bukvic), lui aussi chauffeur de camion, lui aussi sicilien, qui avec sa candeur et son cœur sur la main, l’emmènera à nouveau à s’ouvrir au monde. Et à découvrir que les roses tatouées sur la peau ne sont pas des vœux ou des prières mais le signe de l’existence: celle physique, qui palpite et jouit.

C’est avec courage et talent que Cristiana Reali relève - et gagne - le défi d’un personnage aussi complexe: mère, amante, travailleuse, immigrée, Sérafina est le portrait d'une femme ironique et pleine de contradictions. Et c’est avec amusement et tendresse que toute la troupe donne vie à ces immigrants italiens, partagés entre la volonté de préserver leurs racines culturelles face à un nouveau monde perçu comme étranger et, en même temps, l’envie d’y s’intégrer. Décors évocateurs, réalisation mouvementée, personnages hauts en couleurs font le reste, dans un spectacle qui, au-delà des règles de la religion, de l’éducation et de la tradition, célèbre l’amour, le désir et la joie.

La Rose Tatouée, avec Cristiana Reali et Rasha Bukvic
Critique de la pièce La Rose Tatouée