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Publié le samedi, 24 mai 2014 à 17h30

Les voix royales : Haendel à Rome

Par Karima Romdane

Les voix royales Haendel à Rome- couverture

La thématique les "Voix Royales 2014" présentent plusieurs œuvres romaines emblématiques. Cette année encore, Versailles Festival consacre son noyau à la musique de Haendel...



Compositeur prolifique et polymorphe, il réunit les qualités essentielles de la période baroque, dont il est sans doute en musique l'équivalent de Versailles pour l'architecture. La diversité des genres  : écrivant tout aussi bien pour l'église que pour l'opéra, pour le plein air que pour l'intimité, pour le théâtre privé que pour ses mécènes, pour le Roi d'Angleterre que pour son propre compte, Haendel expérimente avec génie les plus grandes typologies musicales de son époque. Il est la synthèse “européenne” des styles dominants  : allemand formé dans les traditions luthériennes, mais avec une excellente connaissance de l'opéra français, il forgera son style au feu de l'Italie catholique, puis se coulera dans le moule anglais hérité de Purcell, pour le dépasser en créant un style national plus britannique que jamais. Contemporain des heures de gloire de Versailles, Haendel brille aujourd'hui au firmament musical international tout autant que le palais de Louis XIV : à la première place.



On trouvera donc pour ce festival 2014 dix concerts consacrés à Haendel, par ses interprètes les plus réputés, en essayant notamment de tracer le portrait du jeune compositeur arrivant en Italie à la fin de 1706  : Haendel à Rome, sujet passionnant qui cerne la première grande période créatrice de ce Saxon qui va conquérir la Péninsule puis l'Angleterre par de la musique italienne. Arrivant de Hambourg où il a commencé une carrière remarquée à l'Opéra, le jeune Haendel (il n'a pas 22 ans) arrive sans doute avec de bonnes recommandations dans la Cité Pontificale, et y fait de suite sensation à l'Orgue de la Basilique Saint-Jean de Latran (janvier 1707). Il est immédiatement pris sous l'aile des grands mécènes de l'époque  : le Cardinal Pamphili, le Cardinal Ottoboni, le Prince Ruspoli lui ouvrent leur palais, leur orchestre, leurs soirées prestigieuses, et lui passent des commandes qui vont accumuler les réussites. Haendel se mesure à tous les genres.



La musique religieuse tout d'abord. à Rome elle est fondamentale, et pour Haendel cela représentera la première confrontation à la grande écriture chorale  : son Dixit Dominus (avril 1707) est déjà un chef-d'œuvre absolu, si italien, et maitrisant pourtant si bien l'écriture chorale savante allemande.



L'oratorio ensuite. Genre typiquement romain, il remplace l'opéra par des représentations où le faste musical n'a rien à envier à celui des théâtres  : décors et chanteurs stars servent les partitions profanes ou sacrées (c'est selon), pour le public de la haute société romaine en demande de brio vocal. Advint ainsi Il Trionfo del Tempo e del Disinganno le premier oratorio de Haendel, créé en mai 1707 sur un livret du Cardinal Pamphili, puis La Resurrezione (avril 1708) son premier oratorio “strictement sacré”, représenté pour le Prince Ruspoli dans le Palais Bonelli. Chefs-d'œuvre que ces deux premiers essais dans le genre qui sera porté à ses sommets pendant un demi-siècle par Haendel  !



Les cantates profanes enfin  : dans une ville où l'opéra est interdit, ces œuvres sont en fait de mini opéras en un acte, faisant appel aux meilleurs orchestres et aux chanteurs les plus réputés. Dès février 1707, Haendel met en musique Il Delirio Amoroso sur le texte du Cardinal Pamphili, puis suivront plusieurs centaines de cantates dont un florilège d'exception pour le Prince Ruspoli. Haendel crée un corpus d'arias et duos magnifiques dans lequel il puisera tout au long de sa carrière.



On trouvera ainsi dans ces “Voix Royales 2014” plusieurs de ces œuvres romaines emblématiques, notamment deux fois le Dixit Dominus, soit confronté aux Coronations Anthems du même Haendel (Harry Christophers), soit accompagné des deux autres génies contemporains, Bach et Rameau (Gardiner fêtant les 50 ans de son Monteverdi Choir), Fabio Bonizzoni dirigeant ce Trionfo si virtuose suivi quelques heures plus tard par une “soirée-concert” reconstituant l'esprit de celles du Prince Ruspoli (mais dans les ors de Marie-Antoinette au Petit Trianon), pour évoquer le rôle majeur des mécènes de Haendel. En miroir de la période romaine, les chefs-d'œuvre de la maturité prennent une autre force  : le Messie bien sûr, dirigé par Robert King puis Harry Christophers  ; un oratorio dramatique majeur   : Belshazzar (Robert King) ;  un opéra des débuts londoniens de Haendel, encore entièrement teinté d'Italie  : Amadigi (1715), dirigé par Ottavio Dantone avec une pléiade de solistes de renom  ; un récital Haendel de Valer Sabadus  ; enfin une “Nuit Haendel” durant laquelle Jordi Savall conduira le public dans les plus belles salles du Palais des Rois de France.



Mais au-delà de Haendel, la musique trône cet été encore à Versailles. Tout d'abord avec deux opéras mis en scène, emblèmes de leur époque  : le splendide Persée de Lully, créé à Versailles en 1687, dans la production aux mille atours d'Opera Atelier – Toronto, puis Didon et Enée de Purcell (1695) que Vincent Dumestre fait revivre avec émotion et panache. Voici les maitres français et britannique de Haendel réunis  ! Et son grand héritier Haydn est servi avec ferveur par Laurence Equilbey pour Les Sept dernières paroles du Christ en croix.

Deux grands chanteurs sont au rendez-vous de Versailles  : Philippe Jaroussky pour le Stabat Mater de Pergolèse, avec la complicité de Christina Pluhar et de Valer Sabadus, et le ténor Joseph Calleja, voix somptueuse au service du grand répertoire.

Informations pratiques
  • Château de Versailles - Opéra Royal, Chapelle Royale, Galerie des Glaces (RER C Versailles rive-gauche). Tél. 01 30 83 78 89. Places de 20 à 298 €
  • Pour réserver et découvrir tout le programme
  • Jusqu'au 6 juillet 2014