Giancarlo Bargoni, oeuvres récentes

Par Ilaria Venneri

L’histoire de la peinture abonde d’exemples fameux où la rencontre d’un artiste avec une lumière venue d’ailleurs, a changé le cours de son art. C’est Van Gogh en Provence, Matisse à Tanger, Paul Klee en Tunisie pour ne citer que les plus connus. Il y a deux ans Bargoni installe un atelier dans la médina de Tozeur.

C’est l’éblouissement. La lumière cristalline de ces confins du désert, celle irréelle dans sa pureté qui fait trembler l’espace sur le Chott El Djérid, bouleversent la conception qui lui était chère du clair obscur caravagesque. Des sensations rétiniennes inconnues imprègnent sa vision, tapis berbères et leur rouge garance profond, étals des épices qui déclinent le jaune dans tous ses états, opulence des violets, des mauves des fruits sur les marchés, ces souvenirs s’inscrivent sur sa palette bouleversée. Un grand atelier de 800 mètres carrés finit de libérer ce trop plein d’énergie que cette nature excessive lui a communiqué.

Il s’empare de la peinture avec voracité, le signe autoritaire s’inscrit dans la matière épaisse , la composition plus chargée, ambitieuse frôle l’état de risque, mais paradoxalement tout n’est ici que transparence, triomphe de la maitrise parfaite qu’a cet artiste dans l’exercice de son art. Il entremêle en virtuose les techniques anciennes et éprouvées, lissage, glacis, vernis à la cire, à une pratique contemporaine de la touche, du geste, d’une distance résolument abstraite par rapport au motif.

Des couches profondes remontent les couleurs qui illuminent nuancent la surface, l’œuvre trouve son unité dans la lumière englobante. Fini le classicisme, le baroque se décline jusqu’à l’excès, les tableaux parfois de plus de trois mètres, vibrent, flambent. Mais un ordre s’instaure au cœur du chaos, il permet à l’œil de respirer et de goûter la poésie sauvage de l’art de Bargoni, au faîte de sa puissance. Le Musée des archives de Chartres exposera les grands formats à l’Automne 2013 .