Archives Art Italien

Publié le jeudi, 11 mars 2010 à 16h24

Mimmo Jodice. Rétrospective

Par Ilaria Venneri

La Maison Européenne de la Photographie présente la première rétrospective de l’oeuvre de Mimmo Jodice, photographe majeur de la scène italienne.

Dans les années 1960-70, années que l’on peut qualifier de « conceptuelles », Jodice, à l’instar de nombreux artistes, s’interroge sur l’essence du medium photographique. Admirateur de l’Anglais Bill Brandt, il en reprend les exercices de déformation ainsi que la puissante dramatisation du noir et du blanc à laquelle il restera toujours fidèle, ne cédant jamais au charme de la couleur qui brouille l’essentiel, infléchit vers l’anecdotique, le pittoresque. Mais il interroge aussi, assidûment, les matériaux, les techniques et les formes, jouant sur fragmentations, séquences, flous, surimpressions, virages et photogrammes, déchirures aussi, lorsqu’il déchire une oeuvre de Kounellis, artiste de l’arte povera, les vieilles maisons décrépites, les paysages du Sud de l’Italie. La déchirure comme la métaphore d’un désir, d’une volonté d’art très tôt assumée : ne jamais croire à la représentation immédiate, construire, élaborer toute représentation grâce à un devenir-image du réel. Pourtant, et l’on peut légitimement s’en étonner, c’est dans un même temps, un même mouvement que Jodice poursuit ses expérimentations formelles et se veut le témoin de la réalité sociale de Naples. Naples la ville-origine, la ville matricielle, dont Jodice aimait à dire qu’elle était « la photographie ». Soit, certes, une ville extraordinairement photogénique, mais aussi une ville qui questionnait le photographique.

À Naples, donc, Jodice se fait témoin. Mais en aucun cas il ne pratique un reportage de « l’instant décisif » et, s’il choisit des sujets que l’on qualifiera d’extrêmes – très jeunes enfants et vieillards très âgés, prison, maladie, rites religieux et marges du social – moins encore produira-t-il des images-choc, comble de la vulgarité pour l’aristocratie de son regard. Photographiant des enfants et des vieillards, Jodice, loin de toute sensiblerie voyeuriste, s’essaye à « imager » l’essence de ces deux âges extrêmes, comme il tente d’approcher l’âme, le « génie du lieu » de cette ville si singulière qu’est Naples. Pas de repli facile sur le pittoresque donc, mais un refus total, acharné, du topos, du lieu commun, de l’image-cliché. Jamais la Naples de Jodice ne sera celle des bruits, du chaos, des vespas qui crissent sur les venelles, des matrones qui échangent d’un balcon à l’autre, des ragazzi qui jouent aux quatre cents coups truffaldiens.

Jodice : « Tout ce que nous rencontrons est finalement un paysage intérieur. » Ne reste plus que l’essentiel : le ciel, gonflé de lourds nuages cotonneux, la mer qui frissonne sous le vent, les rochers, tavelés d’écume. Les quelques traces de l’humanité sont rares, timides : ici un bateau, là un piton, ailleurs une corde. De corps, de visages, point. Tout le paysage vibre de lumière, tandis que la subjectivité de l’artiste se fond avec l’objectivité des éléments. Les Dieux n’ont pas déserté notre monde. Ils sont là, vivants, pour celui qui, dans le silence d’un présent cacophonique, se met à leur écoute.

Informations pratiques
Maison Européenne de la Photographie
5/7 rue de Fourcy 75004 Paris
Tel. +33 (0)1 44 78 75 00
Dates : du 14 avril 2010 au 13 juin 2010
Mimmo Jodice
Maison Européenne de la Photographie Du 14 avril au 13 juin 2010