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Publié le mardi, 31 janvier 2012 à 12h00

Deux visages pour un même destin

Par Emilie Voisin

Deux hommes et un même nom; tous deux sont nés le même jour (mais pas la même année) et portent les cheveux longs sur la nuque. Nous sommes dans les années 80, Antonio Pisapia (Andrea Renzi) est un jeune joueur de foot et Antonio Pisapia, l’autre (Toni Servillo), surnommé « Tony », est un vieux crooner en vogue. Ils connaîtront le succès puis la défaite.

L’uomo in più est le premier long-métrage de Paolo Sorrentino que l’on découvre dix ans plus tard sur les écrans français… Depuis il a tourné les succès internationaux Le conseguenze dell’amore, L’amico di famiglia, Il Divo et This must be the place et a écrit un livre, Hanno tutti ragione, qui reprend l’idée du chanteur Tony.

C’est à la descente aux enfers que s’intéresse le réalisateur, à travers deux passions italiennes, le foot et la chanson et deux histoires parallèles, deux hommes, liés par leur nom donc mais aux caractères très différents.

L’un, le sportif, le footballeur au sommet de sa carrière - Andrea Renzi, peu connu en France mais remarquable - est sérieux, honnête, réservé, peu loquace. Son ambition qui sera avec le temps une obsession destructrice: devenir entraîneur. Même lorsque sa carrière se brise à cause d’une vilaine blessure au genou, il ne parvient pas à réaliser son rêve, perd tout, incapable de supporter les bassesses du milieu et de la vie. C’est d’ailleurs la tactique de jeu qu’il invente, « l’homme en plus » (qui a vraiment existé) qui donne le titre au film ; théorie à laquelle il se raccroche, frustré ne pouvoir l’appliquer sur le terrain.

L’autre, la caricature du vieux chanteur intimiste à succès, amateur de bonne chère (chair aussi!), bedonnant, fumeur invétéré et cocaïnomane à ses heures, est égocentrique, impulsif, imbu de sa personne et maltraite son entourage. Après avoir été surpris au lit avec une mineure, lui aussi perd tout, sa famille, son public. Toni Servillo, acteur fétiche de Sorrentino réussit cependant à rendre son personnage attachant, presque sympathique, un peu fou, fataliste aussi.

Tony est léger, Antonio est du plomb : il coule comme a coulé en mer le frère de Tony, qui en fait encore des cauchemars. L’un entend parler de l’autre, leurs parcours se frôlent sans jamais vraiment se toucher, sauf une fois où les deux déchus se croisent, le temps d’un regard, durant lequel tout précipite : Antonio renonce, alors que Tony prend la décision de vivre, à n’importe quel prix.

Une citation du célèbre Pelé ouvre le film : « dans la vie, le match nul n’existe pas ». En effet, on perd ou on gagne. Et même si les deux Antonio ont indéniablement perdu, Sorrentino laisse entrevoir un sourire, un applaudissement final…parce que comme dit Tony, la vie, au fond, est « ‘na strunzata », « une connerie ».

Toni Servillo alias Tony dans une scène du film
Critique du film L'uomo in più