Les amoureux de Goldoni d'après Gloria Paris

Par Stefano Palombari

Les Amoureux (Gli innamorati en italien) est une pièce que Goldoni écrivit en 1759. Dans l'introduction à son oeuvre, il explique le choix du sujet. Les amoureux sont souvent protagonistes des comédies et ce sont eux à l'origine de « l’action comique », c’est paradoxal car ils ont tout pour être heureux mais la folle jalousie, très forte notamment en Italie, provoque des tempêtes là où il y avait un beau ciel bleu.

C’est exactement ce qui se passe entre Eugenia et Fulgenzio, les deux protagonistes de cette comédie où « le mélodrame flirte avec la tragédie et seule la comédie, aussi amère soit-elle, devient la promesse d’une salutaire catharsis. » selon les mots de Gloria Paris, la metteur en scène du spectacle d’origine italienne. C’est un théâtre où l’on rit et où, immédiatement après, on ne rit plus du tout, on peut même pleurer. Un va et vient constant, une espèce de genre impur, une tension profonde entre comédie et tragédie.

Le mariage est proche mais Eugenia et Fulgenzio à cause de leur égocentrisme, et de leur jalousie maladive ne font que se disputer. Le mariage devient donc une hypothèse fragile car leurs proches ne savent vraiment pas comment réagir face à leur attitude.
Il suffit d’un soupçon, et voilà que le manque de confiance en soi et la peur panique des sentiments qui jaillissent de l’état amoureux prennent le dessus. C’est la jalousie ce sentiment maladif. Eugenia et Fulgenzio perdent le sens de la réalité, ils cherchent le reflet de leur image dans l’autre, rêvent d’un autre identique à soi et subissent la tyrannie de leur propre désir. Dès que les amoureux sont réconciliés, ils se disputent à nouveau. Ils deviennent hystériques...

C’est une pièce sans âge. Ce qu’endurent les deux « amoureux » de Carlo Goldoni, est le quotidien de beaucoup de couples. C’est une caricature, bien évidemment mais le fond reste le même. Et c’est justement ce que veut montrer la mise en scène de Gloria Paris, qui plonge l’action dans une sorte de folie (intemporelle). Ce couple d’amoureux du XVIIIè siècle, dans sa psychologie des extrêmes, reflète à l’identique la jeune génération d’aujourd’hui, d’où le parti pris de Gloria Paris d’habiller ses comédiens de costumes contemporains ; les personnages sont ainsi plus proches de nous.
La metteur en scène a retravaillé la pièce, avec Yannic Mancel, en un langage plus direct…sans pour autant actualiser les répliques, car l’italien de Goldoni demeure moderne et sans scories