Histoire de l'Italie à Paris

Le XVIIe siècle

Le développement du commerce dans les villes du nord de l'Europe nuit à l'Italie, qui passe au second plan. C'est pourquoi l'émigration des personnalités diminue bien qu'elle ne s'interrompe pas. On retrouve en effet, dans une France apaisée après l'édit de Nantes (1598), une autre Italienne au premier plan politique, une autre Médicis, Marie. Henri IV l'épouse (1600) en secondes noces à Lyon. Fille du banquier toscan du souverain, elle apporte en dot l'équivalent d'un trimestre de déficit. Le mariage est malheureux pour Marie, vu l'intense activité extraconjugale du roi, qui aura huit enfants naturels. Mais il ne dure que dix ans, car le 14 mai 1610 le roi est assassiné par un fanatique catholique. Le même jour, Marie de Médicis est nommée par le parlement de Paris " régente en France, pour avoir l'administration des affaires du royaume pendant le bas âge de son fils, avec toute-puissance et autorité ". En 1617, Louis XIII congédie alors sa mère et prend les pleins pouvoirs. Marie de Médicis reste dans l'ombre jusqu'en 1630, lorsqu'elle décide d'exploiter le mécontentement croissant de la cour contre Richelieu, devenu entre-temps cardinal, en 1622. Le 11 novembre 1630, la reine démet le cardinal Richelieu de ses fonctions. Mais l'enthousiasme des courtisans est de courte durée. Ce jour même, passé à l'histoire sous le nom de " journée des Dupes ", le roi, après quelques hésitations, tranche en faveur du cardinal. Marie est contrainte de partir en exil. Elle ne reverra jamais plus son fils.

Fontaine Médicis foto © Sabine MilleMarie est très fière de ses origines. Elle arrive en France avec une grande nostalgie de sa Florence natale et, comme Catherine, elle aide et protège les artistes et les écrivains italiens en France. C'est pourquoi, en 1612, elle achète l'hôtel de Luxembourg, maintenant le petit Luxembourg, et, à côté, fait bâtir par Salomon de Brosse un très beau palais avec un grand jardin à l'italienne, qui lui rappellent le Palazzo Pitti, la demeure de son enfance, et son jardin, le jardin de Boboli. Le palais de Marie de Médicis achevé, elle s'y installe en 1625. Après la " journée de Dupes " et le conséquent départ en exil de la reine mère le palais reprendra son appellation d'origine de palais de Luxemburg.

Le plus connu parmi les hôtes de la reine est sans doute le napolitain Giambattista Marino (1569-1625). Le poète italien le plus important du XVIIe siècle arrive à Paris en 1616, sur l'insistance de la reine. Il est très bien accueilli dans la capitale, où il est gratifié d'une pension régulière. Il s'installe rue de la Huchette, chez le marquis de Manso, Italien lui aussi.

Mazzarino

Richelieu meurt en 1642, et est remplacé dès le lendemain par le cardinal italien Jules Mazarin (Giulio Raimondo Mazzarino). Richelieu lui-même l'avait indiqué au roi comme son successeur. A l'intérieur du pays, Mazarin rencontre des difficultés majeures. La Fronde, entre 1648 et 1653, durant laquelle l'aristocratie entame un dur bras de fer avec lui, le pousse même à quitter la France en 1651. L'année suivante, Louis XIV, majeur depuis un an, rentre à Paris de Saint-Germain, où toute la cour avait trouvé refuge en janvier 1649. Un an s'écoule et c'est au tour de Mazarin de rentrer dans la capitale. Au cours des années 1653-1659, il réussit à vaincre définitivement les Espagnols, mais plusieurs conquêtes gâchées par la Fronde sont irrémédiablement perdues. Mazarin meurt le 10 mars 1661, après avoir défendu au roi d'épouser sa nièce Maria Mancini, afin de respecter la promesse de mariage avec Marie-Thérèse d'Autriche fille de Philippe IV. C'est le début de la monarchie absolue.

Lulli

Deux ans avant le début de la Fronde, alors que la guerre de Trente Ans est à ses derniers actes, le chevalier de Guise, de passage à Florence, remarque parmi des comédiens itinérants un garçon de quatorze ans. Il est très pauvre, mais joue de la guitare et du violon de façon admirable. Guise le prend à son service et l'emmène à Paris, où il l'installe chez sa cousine, Mademoiselle d'Orléans. Ainsi, d'après la légende, Jean-Baptiste Lulli serait arrivé dans la capitale. En 1653, après la Fronde, il est embauché au service du roi comme " compositeur instrumental de la chambre du roi ". Il devient bientôt célèbre également comme chanteur et danseur.

Bernin

Louis XIV, malgré sa méfiance pour cette ville imprévisible, est parmi les souverains sous le règne desquels le paysage parisien a le plus changé. Ainsi en 1664 il demande à un autre italien, Bernin (Gian Lorenzo Bernini), déjà très célèbre, entre autres, pour avoir réalisé, en 1642, le buste de Richelieu, un projet pour refaire la façade du Louvre. Le premier dessin du sculpteur n'ayant pas satisfait le roi, Bernin en propose un second en 1665. Celui-ci plaît au roi, qui lui écrit pour l'inviter à Paris afin de réaliser son projet. La même année le grand artiste arrive dans la capitale française où il ne restera que cinq jours. Suite à des intrigues de cour et à la jalousie de quelques artistes français, l'admirable projet de Bernin restera sur le papier. Pendant son séjour, il a tout de même le temps de réaliser un buste du roi (aujourd'hui à Versailles, salon de Diane).

Cassini

Entre 1668 et 1672, Paris se dote d'un observatoire. Gian Domenico Cassini, astronome, physicien et ingénieur italien est appelé pour le diriger. Il y réalise notamment une étude sur la division des anneaux de Saturne, dont l'un d'eux porte son nom, le calcul de la distance entre la Terre et la planète Mars, l'identification de plusieurs satellites de Jupiter. Son travail sera poursuivi par son fils Giacomo qui, en 1736, fait construire la Mire du Nord, petite pyramide en pierre que l'on peut admirer au pied du Moulin de la Galette, 75 rue Lepic, et qui doit servir de repère pour la mesure du parallèle de Paris. La famille Cassini dirigera ainsi l'observatoire pendant quatre générations, jusqu'à la Révolution. Il faut dire que pour les nouveaux arrivants d'Italie, communiquer dans le milieu de la cour était assez simple car depuis la renaissance la langue italienne était très répandue dans les hautes classes de la société monarchique française. Louis XIV et son dauphin, ainsi que la plupart des rois de France, parlaient italien.

Le XVIIIe et le XIXe siècle

Le XVIIIe siècle voit aussi bien l'arrivée à Paris de plusieurs artistes et personnages de culture que d'aventuriers italiens. Représentants de cette dernière catégorie, le Vénitien Casanova et le Sicilien Joseph Balsamo, conte de Cagliostro. Après un séjour de deux ans à Paris entre 1750 et 1752, Giacomo Casanova rentre à Venise, où il est arrêté en 1755. Quinze mois plus tard, il réussit à s'évader de la prison des Plombs. C'est à Paris qu'on le retrouve en 1757. Il y fonde une loterie qui marche très bien et a aussi des fonctions diplomatiques. Il vit de l'arnaque, surtout au préjudice de la vieille marquise d'Urfé, tout en continuant à séduire des femmes riches. Il ne restera cependant pas longtemps dans la capitale, qu'il quittera pour se rendre en Hollande.

Cagliostro

Quant au Sicilien Cagliostro, qui est à la fois magicien, chimiste, prophète, escroc et faussaire, il s'installe à Paris en 1785, après avoir beaucoup voyagé dans toute l'Europe. Mais son séjour sera de courte durée. Dans la capitale française, il continue ses activités jusqu'à ce que la comtesse de la Motte l'accuse d'avoir planifié et mis en œuvre une escroquerie colossale, l' " affaire du collier de la reine ". Il est enfermé à la Bastille avec sa femme. Cagliostro réussit à prouver son innocence et est libéré à condition de quitter Paris.

Servandoni

Représentants de la première catégorie, le peintre, décorateur et architecte florentin Jean-Baptiste Servandoni et le Vénitien Carlo Goldoni. Elève du peintre Paolo Pannini (voir son impressionnant Vues de Rome moderne au Louvre), le premier arrive à Paris en 1724. Quatre ans plus tard il est nommé premier décorateur de l'Académie royale de musique pour scénographies réalisées pour l'Opéra. Parmi les œuvres plus significatives de sa période parisienne il faut signaler l'idéation de la façade de l'église Saint Sulpice, et la décoration de l'hôtel de Ville et de la Terrasse du Louvre. En réalité, Servandoni avait le projet de réaménager entièrement l'espace devant l'église Saint Sulpice en réalisant une grande place hémisphérique entourée de maisons. De ce plan ambitieux il réussit à réaliser seulement une maison, celle au n° 6, à l'angle de la rue de Canette. Le destin a voulu que cents ans plus tard ce sera un autre italien, Ludovico Visconti, qui dessinera la place avec sa fontaine. Quant à l'église Saint Sulpice les deux tours ont été achevées par d'autres, après sa mort en 1766.

Goldoni

Statue de Carlo Goldoni foto © Sabine MilleGoldoni, le plus important sans doute parmi les gens de lettres italiens qui s'installent à Paris à cette époque, quitte sa Venise natale pour la capitale française en 1762.Il est invité à Paris pour y diriger les nouvelles productions du théâtre de la Comédie italienne, qui est en pleine crise. Paris conquit tout de suite le grand dramaturge italien, qui reçoit un très bon accueil. Il rencontre quelques problèmes cependant dans le milieu du théâtre. En fait, les comédiens ainsi que le public sont tout à fait réfractaires à toutes hypothèses de réforme. Il envisage un retour en Italie quand, en février 1765, on l'appelle à Versailles pour enseigner la langue italienne aux filles de Louis XV. Cette activité lui apporte une modeste pension, qui lui permet de vivre. Durant cette période, alors que les premiers symptômes de sa cécité commencent à se manifester, il écrit son plus grand succès français, Le Bourru bienfaisant. Avec la Révolution arrive aussi la misère, sa pension ne lui étant plus versée. Celle-ci sera rétablie, par un décret de la Convention nationale, le 7 février 1793. Trop tard, il est mort la veille. Ses os seront dispersés mais l'on pense qu'ils se trouvent peut-être derrière la cathédrale Notre-Dame, où est érigé un monument à sa mémoire.

Alfieri

Le piémontais Vittorio Alfieri, un des principaux poètes tragiques italiens, s'installe à Paris avec sa compagne, la comtesse d'Albany, en 1787, après de nombreux voyages dans toute l'Europe. A cette époque, il a déjà achevé la plupart de ses chefs-d'œuvre et s'occupe de leurs rééditions intégrales chez Didot entre 1787 et 1789. Au cours de cette dernière année, il salue la Révolution française et la démolition de la Bastille avec une ode, Parigi sbastigliata (Paris " débastillé "). Mais il sera bientôt déçu par la teneur des mesures prises par le nouveau pouvoir révolutionnaire. En 1792, il quitte définitivement la France et s'installe à Florence, où il mourra en 1803. D'autres intellectuels italiens importants séjournent à Paris dans la même période, même s'ils n'y restent pas longtemps.

Cherubini

Avant la Révolution, on remarque aussi l'arrivée du compositeur florentin Luigi Cherubini (1760-1842). Il s'installe dans la ville en 1788 où il réussit à être admis dans l'entourage de la reine Marie-Antoinette. Quelques années plus tard, on retrouve Cherubini, qui a une bonne capacité d'aller là où le vent souffle, inspecteur et compositeur de la Fanfare Républicaine. Quand celle-ci devient un conservatoire, il y est nommé enseignant. Avec la Restauration, alors qu'il est déjà très célèbre, il obtient d'abord la direction de la Chapelle royale et ensuite, en 1822, celle du Conservatoire. Titres qu'il gardera jusqu'à sa mort.

Lagrange

Pendant la Révolution et sous Napoléon, ce sont surtout les scientifiques italiens qui s'installent ou séjournent à Paris. Le plus important est sans doute le mathématicien turinois Giuseppe Luigi Lagrangia (Lagrange). Après avoir enseigné pendant vingt ans à Berlin, il arrive à Paris, en 1787 pour devenir membre de l'Académie des Sciences. Il restera dans la capitale française jusqu'à sa mort, en 1813. En 1793, durant la Terreur, l'Académie des Sciences est supprimée, à l'exception de la commission des Poids et Mesures, dont Lagrange fait partie. Il ne perd pas son poste, à la différence d'autres scientifiques importants comme Lavoisier, Laplace, Delambre, et devient même directeur du département.

En

1808, Napoléon lui octroie la Légion d'honneur et le nomme comte d'empire. Une semaine avant sa mort, le 3 avril 1813, il reçoit la Grand-croix de l'Ordre impérial de la Réunion.

Visconti

Très actif dans le Paris des années vingt du XIXe siècle est l'architecte Ludovico (Louis) Visconti, né à Rome en 1791. A Ludovico on doit plusieurs fontaines : celles de la place Gaillon, du square Louvois, de la place Saint-Sulpice et la fontaine Molière (37, rue Richelieu). En 1841, il gagne le concours pour l'aménagement du tombeau de Napoléon aux Invalides. Ensuite, Napoléon III lui confie la tâche de réunir le Louvre et les Tuileries. En 1852, Visconti commence donc à construire les bâtiments qui se trouvent au nord et au sud de la cour Napoléon, mais il meurt soudainement l'année suivante laissant les travaux inachevés. Ceux-ci seront terminés entre 1853 et 1857 par Lefuel.

Les musiciens

Giuseppe verdiDans la première moitié du siècle, on remarque la présence à Paris des quatre principaux musiciens italiens : Rossini, Bellini, Donizetti et Verdi. Rossini est le premier à arriver en 1823 et il y restera jusqu'à sa mort, en 1868. Puis c'est au tour de Bellini de débarquer à Paris en 1833, où il mourra assez mystérieusement, d'une maladie intestinale en 1835. Ensuite, c'est Donizetti qui arrive en 1838, sur l'invitation de Rossini. Lui aussi y restera presque jusqu'à sa mort, en 1848. Verdi, lui, ne s'installe pas véritablement dans la capitale française, mais il y séjourne plusieurs fois, entre 1846 et 1848, d'autant plus que son amie Giuseppina Strepponi vit alors à Paris. En 1855, il est à nouveau dans la ville française où il passe une grande partie de cette année. On l'y retrouvera encore en 1867 pour la présentation du Don Carlos.

Les patriotes

Vers la moitié du siècle, les efforts des patriotes et de la diplomatie du royaume du Piémont s'intensifie pour convaincre Napoléon III d'aider les Italiens à chasser les Autrichiens de l'Italie. Le plus célèbre parmi les patriotes italiens de Paris est sans doute Felice Orsini. Il est l'organisateur de l'attentat contre Napoléon III le 14 janvier 1858. L'attentat ne se solde pas par un échec total, même si l'empereur n'est pas parmi les huit morts et qu'aucune révolution ne se produit, comme l'espérait Orsini. En effet, avant d'être guillotiné, il a le temps d'écrire une lettre à Napoléon III, lui suppliant de faire quelque chose pour l'Italie, ce qui émeut l'empereur. Peu de temps après, celui-ci rencontre Cavour à Plombières et l'armée de l'empereur jouera un rôle de premier plan dans les guerres d'indépendance italiennes, qui conduiront à l'unité de l'Italie, en 1860.