De l'émigration de masse à nos jours

L'émigration de masse

L'Italie devient une nation à part entière en 1860. Le nouveau royaume d'Italie, conduit par le roi du Piémont Victor Emmanuel II doit résoudre plusieurs problèmes graves. À la difficulté de " créer " un pays et un peuple s'ajoute la situation économique désastreuse et l'état de sous-développement de l'Italie agricole et industrielle. Les gens commencent à se déplacer en masse, appelés aussi par le besoin de main-d'œuvre des pays plus riches. La France, et Paris en particulier, est la destination la plus prisée en Europe et la troisième dans le monde après les Etats-Unis et l'Argentine. Ce mouvement s'intensifie à partir de 1875. Au début du nouveau siècle, les Italiens constituent la communauté étrangère la plus nombreuse de l'hexagone. A Paris, ils représentent même les deux tiers de la population étrangère. Et comme le dit l'historien Pierre Milza, " ils forment non pas une colonie organisée ou une communauté consciente de son identité, mais plutôt une nébuleuse de groupes disparates, les uns dotés d'une relative spécificité régionale ou socioprofessionnelle, les autres complètement éclatés au contraire, et noyés dans un tissu urbain en voie de massification. " Et c'est surtout les gens des régions du nord de l'Italie, Piémont, Lombardie, Vénétie et Toscane en tête, qui choisissent la France. La " sédimentation " autour d'une identité régionale s'explique par la relative nouveauté de l'Italie comme nation. Ce phénomène est destiné à se poursuivre jusqu'à l'après seconde guerre mondiale. Aujourd'hui, les associations parisiennes des diverses régions italiennes (presque toutes les régions italiennes ont une association à Paris) sont plus une trace du passé que des organismes vivants où l'on peut remarquer un renouvellement des générations.

Les lieux des Italiens

A Paris, les Italiens se fixent surtout autour de la Gare de Lyon, où arrivaient les trains de l'Italie, dans les quartiers nord-est, XIe, XIIe, XVIIIe et XIXe arrondissements et, en région parisienne, surtout dans la banlieue est, par exemple à Vitry, Nogent-sur-Marne, Gagny, Fontenay-sous-Bois, La Courneuve, Bobigny. Le mouvement migratoire se poursuivra jusqu'aux années soixante du XXe siècle, avec des arrêts et même des retours (rapatriés) durant les deux guerres. En effet, pendant la Seconde Guerre mondiale les sentiments des Français vis-à-vis des transalpins tournent à l'aigre. Les citoyens n'ont pas digéré le " coup de poignard dans le dos " de 1940, lorsque Mussolini a décidé d'attaquer une France déjà défaillante. Et cette attitude dure encore quelque temps une fois la guerre terminée. On remarque alors un mouvement opposé, à savoir engendrant des retours en Italie plus consistants que les arrivées en France.

L'après-guerre

La " drôle de guerre " terminée, les caractéristiques des immigrés italiens changent. La situation économique de l'Italie d'après-guerre est désastreuse. Il faut reconstruire le pays. Mais bientôt le nord et le centre montrent une capacité de réaction bien plus importante, avec un taux de croissance qui atteint les 6%. Ainsi, à partir de 1953 le nord de l'Italie vit un véritable boom économique tandis que l'économie du sud a du mal à démarrer. Ce sont plutôt les gens des régions méridionales qui partent en France. On remarque deux autres différences avec le mouvement d'avant-guerre : ils sont beaucoup moins nombreux à partir et ils ne signent que des contrats temporaires, preuve qu'ils ont l'intention de rentrer dans leurs régions d'origine.

Les Ritals

Pendant ce siècle d'émigration de masse, se produit un changement radical du rôle social des Italiens en France. Des plus hauts niveaux de la société, ceux-ci tombent au plus bas. Ils sont contraints de vivre des métiers les plus humbles, de métiers marginaux. Ainsi naissent les " Ritals ". Des gens capables de tout faire, aussi bien des métiers itinérants, comme musiciens de la rue, marbriers, vitriers, marchands de statuettes, de marrons, glaciers, que sédentaires, comme maçons, ouvriers ou mineurs. Dans la région parisienne, ils étaient surtout présents dans l'industrie du bâtiment. Et même y faisaient un peu de tout : maçons, terrassiers, décorateurs, plâtriers, chauffagistes, fumistes, plombiers. A Paris, parmi les jeunes gens, ils étaient plusieurs à poser comme modèles pour les peintres et les sculpteurs. " L'Italie qui était jadis un modèle de pays, est devenu le pays des modèles ", moquerie de cette époque-là, qui enregistre en même temps le changement de condition sociale des Italiens et un des métiers les plus répandus parmi eux. Agostina Segatori est, peut-être, le modèle italien le plus célèbre de son époque, célèbre à cause de sa beauté et de ses nombreuses liaisons, notamment avec Van Gogh, entre 1886 et 1888.

Artistes et poètes italiens à Paris entre fin de siècle et belle époque

Pendant le siècle d'émigration massive, à côté de ceux qui sont poussés par le besoin l'arrivée des intellectuels et des artistes italiens dans la capitale ne s'arrête guère. Déjà à partir de 1850, Paris redevient synonyme d'art et de liberté d'expression artistique, donc le pôle d'attraction des artistes du monde entier. Nombreux sont les Italiens qui s'y installent.

fin de siècle

Medardo Rosso © Sabine milleParmi les plus représentatifs on retrouve les peintres Giovanni Boldini (Ferrare 1842-Paris 1931), Federico Zandomeneghi (Venise 1841-Paris 1917), Giuseppe De Nittis (Barletta 1846 - Saint-Germain-en-Laye 1884) et le sculpteur Medardo Rosso (Turin 1858-Milan 1928). Les trois premiers, qui sont de la même génération, suivent à peu près le même chemin. Asphyxiés par l'ambiance artistique rétrograde de leurs villes de province, Venise pour Zandomeneghi, Ferrare pour Boldini et Barletta (Pouilles) pour de Nittis, ils se rendent à Florence en quête de liberté d'expression et d'inspirations anti-académiques. Entre 1855 et 1867, ils rentrent ainsi en contact avec le mouvement le plus innovateur du pays, celui des macchiaioli. Florence leur ouvre la route pour Paris. Ils comprennent que c'est là que la nouvelle peinture sera réalisée, mieux qu'elle est déjà en train d'être réalisée. Donc, tous les trois vont s'y installer, plus ou moins de façon stable entre la fin des années soixante et le début des années soixante-dix. A Paris, ils rentrent tout de suite en contact avec le milieu des impressionnistes. Ils se mettent à fréquenter le café Guerbois, où l'on peut rencontrer tous les jeunes artistes, notamment ceux de la nouvelle peinture. Le milieu artistique de la capitale, mais surtout Degas, qui se lie d'amitié avec les trois Italiens, représente l'unique trait d'union entre eux. En fait, on sait que ces trois hommes ne s'aimaient pas tellement et donc ne cherchaient pas à se rencontrer. En effet, on peut remarquer une sensibilité et des inclinations différentes chez chacun de ces trois peintres. De Nittis réalise une peinture d'environnement, de paysage et figure ; Zandomeneghi est plus intéressé par le réalisme social ; quant à Boldini, il se fait connaître surtout pour le portrait et la peinture de figure dans son environnement.

Le dernier à arriver à Paris est le sculpteur Medardo Rosso A partir de 1889, lorsqu'il s'installe à Paris, sa célébrité ne cesse d'augmenter et dépasse les confins nationaux. En Italie, ce sont les Futuristes Carlo Carrà et Umberto Boccioni qui s'intéressent à lui. Le sculpteur lombard Giacomo Manzù subit également de façon décisive son influence et se rend plusieurs fois à Paris pour le rencontrer. Sa notoriété atteint des frontières bien plus lointaines et, en 1896, il expose, avec succès, d'abord à Londres puis à New York. En 1900, il présente quelques œuvres à l'Exposition universelle de Paris. Quelques années plus tard, il exposera aussi à Berlin, Leipzig, et à la Sécession viennoise. Lors de l'explosion de la Première Guerre mondiale, en 1914, il rentre en Italie. Des sculptures de Medardo Rosso sont présentes au Musée d'Orsay (Ecce Puer) au Petit Palais (Aetas aurea) et au Musée Rodin (La Rieuse). Il meurt en 1928 à Milan.

La bohème

Au début du XXe siècle, on assiste à une autre vague d'arrivées. Cette fois ci, il ne s'agit pas seulement de peintres ou de sculpteurs mais aussi de poètes, d'hommes de lettres et de musiciens du monde entier qui s'installent ou séjournent à Paris. La ville est en pleine ébullition. Le mouvement commencé cinquante ans auparavant se poursuit et prend un nouvel élan. Dans tous les domaines on respire un air pétillant et effervescent. Le désir de réforme et de changement est fort et, dans cette optique, on cherche de nouvelles formes d'expression. L'innovation est représentée par Fauré, Debussy et Satie, en musique, tandis que Jammes, Romains, Carco, Apollinaire et, ensuite, Cocteau, poursuivent le chemin de la nouvelle poésie commencée avec Verlaine, Rimbaud et Mallarmé. Les artistes se repartissent entre la butte Montmartre, au nord, et Montparnasse, au sud. Les deux quartiers rivalisent de créativité, de sensualité, de modernisme. Leurs lieux de rencontre sont les locaux, le café et les cabarets, très nombreux dans ces quartiers. Les plus prisés sont le Lapin Agile, au 22 rue des Saules, le Moulin de la Galette, 75 rue Lepic, à Montmartre et Le Dôme, La Rotonde, tous deux au croisement des boulevard Montparnasse et Raspail, ainsi que La Closerie des Lilas, à l'angle de l'avenue de l'Observatoire et du boulevard Montparnasse, à Montparnasse. Parmi les nombreux Italiens on cite : Gino Severini (Cortona 1883 - Paris 1966), Amedeo Modigliani (Livourne 1884 - Paris 1920), Gabriele D'annunzio (Pescara 1863 - Gardone 1938), Giuseppe Ungaretti (Alexandrie d'Egypte 1888 - Milano 1970), Giorgio de Chirico (Vólos, Gréce, 1888 - Rome 1978) et Alberto Savinio (pséudon. Andrea de Chirico. Aténe 1891 - Rome 1952). Ces Italiens participent activement à la vie artistique de la ville. Le milieu qu'ils fréquentent est très composite. Des artistes du monde entier en font partie. La plus part d'entre eux vit dans des conditions très difficiles, au jour le jour et sans un sou en poche. C'est la vie de bohème. Leurs ateliers ne sont pas chauffés et ils souffrent de la faim. Ils emploient le peu d'argent qu'ils arrivent à obtenir de la vente de leurs tableaux pour acheter toiles, couleurs et pinceaux. Ceci est l'une des principales différences avec les peintres aisés et bien insérés dans les plus hauts milieux de la société du siècle précédent.

Les expériences parisiennes, de vie et d'art, marquent en profondeur les Transalpins mais en même temps c'est d'Italie qu'arrive une des révolutions qui a caractérisé ce début de siècle. Si le mouvement futuriste est d'essence typiquement italienne, c'est pourtant à Paris qu'il se déclare sous la plume du poète Filippo Tommaso Marinetti qui publie, le 20 février 1909, dans Le Figaro, un manifeste en onze points incitant ses compagnons à réagir contre l'emprise particulièrement forte de l'académisme sur l'art, à rejeter ce passé et à chanter le monde moderne dans ses créations les plus typiques, c'est-à-dire celles de la révolution industrielle et des machines.

ModiglianiModiglianiDès son arrivée à Paris, en 1906,Amedeo Modigliani s'installe dans un très bel hôtel, l'hôtel du Perron, rue du Dôme. Son but est de faire croire à tout le monde qu'il est riche.Il consacre beaucoup de dépenses aux plaisirs de la vie. En effet, quand il arrive à Paris il dispose d'un certain montant, fruit de l'héritage d'un oncle. Mais, avec la vie qu'il mène, après quelques mois il est déjà sans un sou. Durant l'année de son arrivée il rencontre ses compatriotes Anselmo Bucci et Gino Severini, ainsi que Picasso. Ce dernier dira de lui " il n'y a qu'un homme à Paris qui sache s'habiller, c'est Modigliani ". Pendant son séjour parisien il fera plusieurs allers-retours entre Montmartre et Montparnasse.

A son arrivée dans la capitale, le jeune italien n'a pas encore des idées très claires sur sa voie. Il hésite d'abord entre peinture et sculpture. Au tout début, il se voit sculpteur, mais au fur et à mesure il abandonne la sculpture pour se vouer entièrement à la peinture. Ce choix s'explique, entre autre, par ses problèmes pulmonaires.

Une des grandes passions du peintre sont les femmes. Il aura plusieurs liaisons, notamment avec ses modèles. En 1914, il rencontre l'écrivain et journaliste anglaise Beatrice Hastings. C'est le coup de foudre. Ils vivent deux ans ensemble.

En 1917, Amedeo rencontre Jeanne, qui sera sa compagne jusqu'à la fin et, preuve suprême de son amour pour lui, le suivra dans la mort. Jeanne Hébuterne, elle aussi peintre, a une réelle adoration pour Modigliani à qui, en 1918, elle donnera une fille, Giovanna. Au début de leur amour le couple va vivre au 8 rue de la Grande-Chaumière, mais il changeront souvent de domicile. Le 24 janvier 1920 Amedeo Modigliani meurt d'une tuberculose. Le lendemain Jeanne Hébuterne se suicide en se jetant par la fenêtre. Aujourd'hui tous deux sont enterrés côte à côte au cimetière du Père-Lachaise.

Pendant sa vie Modigliani ne connaîtra pas beaucoup d'honneurs. Ceux-ci arriveront tout de suite après sa mort. On lui dédie une seule exposition à Paris, en décembre 1917. C'est Zborowski qui l'organise chez Berthe Weill, 50 rue Taitbout. Et c'est le scandale. Ses nus, très provocants, attirent la population et la police intervient et commande de décrocher tous les tableaux scandaleux. La deuxième exposition de Modigliani, de son vivant, a lieu à Londres en 1919.

les frères de Chirico

Alberto Savinio (pseudonyme d'Andrea de Chirico) et son frère Giorgio de Chirico arrivent à Paris respectivement en 1910 et 1911. Alberto est musicien et écrivain et fréquente avec son frère le groupe qui s'est formé autour d'Apollinaire, Max Jacob et Pablo Picasso. Mais, par rapports aux autres Italiens que nous avons évoqués, ils se montrent beaucoup plus sélectifs dans leurs fréquentations. Bourgeois et aisés, ils ne se sentent pas appartenir au milieu de la bohème parisienne. Gênés par l'attitude, qu'ils considèrent excessive, de la plupart des artistes de cette période, ils se tiendront constamment à l'écart.

D'annunzio

En 1910, Gabriele D'annunzio se réfugie à Paris, poursuivi par les dettes et les scandales. C'est l'époque où l'on prête beaucoup d'attention au mouvement futuriste. Marinetti se rend à Paris où il déclame quelques poèmes satyriques devant la platée de la Closerie des Lilas. D'Annunzio, qui n'a pas une grande sympathie pour les futuriste, réagit et définit son compatriote comme étant un " cretino fosforescente " (un crétin phosphorescent). Le poète s'installe au numéro 26 de la rue Geffroy-l'Asnier. Dès le début, il se lie d'amitié avec le comte Robert de Montesquiou-Fezensac. Les deux hommes forment un couple de dandys renommés dans la haute société. Un drôle de couple, puisque Montesquiou est homosexuel tandis que D'Annunzio est obsédé par les femmes. A Paris, ce dernier aura plusieurs maîtresses parmi lesquelles les danseuses Isadora Duncan et Ida Rubinstein et la peintre Romaine Brooks. Gabriele D'annunzio est à Paris depuis deux ans quand, en 1912, le jeune Giuseppe Ungaretti y arrive à son tour. Il loge dans un petit hôtel et s'inscrit à la faculté de littérature de la Sorbonne pour achever ses études. Il suit aussi les cours du philosophe Bergson au Collège de France. Il se lie d'amitié avec plusieurs écrivains et poètes français, comme Apollinaire et Breton, et regarde avec attention tous les courants avant-gardistes. Il fréquente le milieu composite de la bohème parisienne et en particulier les peintres Braque, De Chirico, Modigliani, Picasso.

Les réfugiés politiques

A partir de 1921, à la masse des émigrés en quête de fortune, s'ajoutent les fuoriusciti, c'est-à-dire les réfugiés politiques. En Italie, les bandes de fascistes terrorisent les opposants politiques, les syndicalistes, les militants des organisations de gauche. Cette vague migratoire s'intensifie en 1922, avec la prise du pouvoir par Mussolini, mais surtout au lendemain de l'assassinat du député socialiste Giacomo Matteotti (1924). Presque tous les leaders des partis d'opposition au régime se réfugient en France, où ils constituent des bases de résistance. Paris devient le centre de l'opposition au fascisme, menée par des gens comme Filippo Turati, Sandro Pertini, Pietro Nenni, Giorgio Amendola, Luigi Longo, Palmiro Togliatti. Ils seront, la guerre terminée, les protagonistes de la scène politique italienne d'après-guerre. Cependant, ils n'étaient pas tout à fait à l'abri. Les fascistes réussiront à en tuer plusieurs comme les frères Carlo et Nello Rosselli, animateurs de l'organisation antifasciste Giustizia e Libertà, assassinés en 1937 par des cagoulards, et Piero Gobetti, politicien libéral, mort à Paris en 1926, à la suite d'une bastonnade fasciste. Pendant l'occupation allemande, les ressortissants italiens sont en grande majorité arrêtés et envoyés dans les camps de concentration du Vernet, dans l'Ariège, et des Mille, près de Marseille. Les survivants raconteront la brutalité de ces lieux de souffrance.

Les derniers grands Italiens de Paris

Quelques temps après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'émigration massive commence lentement à s'éteindre. Mais la capitale continue à exercer son charme et à attirer régulièrement plusieurs personnes qui quittent " la botte ", plus ou moins définitivement, pour s'installer à Paris où y passer quelques temps. La capitale reprend donc son rôle de pôle d'attraction culturelle qu'elle détenait auparavant, et qu'elle gardera jusqu'à nos jours. Artistes, peintres, écrivains, musiciens s'y installent ou y séjournent. L'ambiance de la ville et les contacts que ces Italiens y établissent marquent en profondeur leur production. C'est également le cas pour ceux qui la quitteront pour rentrer en Italie.

L'écrivain Curzio Malaparte (pseudonyme de Kurt Suckert ; Prato 1898 - Rome 1957), qui dans les années trente avait séjourné à Paris, s'y installe après quatorze ans d' " exil italien ", en 1947. Dans la capitale, il reprend contact avec ses vieux amis et il en rencontre de nouveaux. Il fréquente Mauriac, Cocteau et Sartre ainsi que les salons, où il fait preuve de ses qualités de charmant affabulateur. Mais une partie du milieu littéraire lui est hostile. On ne lui pardonne pas son adhésion de la première heure au fascisme. C'est surtout Camus qui lui montre son animosité. Il décrit sa période parisienne, entre juin 1947 et fin 1949, dans son Journal d'un étranger à Paris, publié à titre posthume en 1966.

En 1977, l'écrivain sicilien Leonardo Sciascia (1921-1989) a besoin d'un changement d'air. Il se met alors à séjourner de plus en plus fréquemment à Paris. C'est ainsi que, entre 1977 et 1979, il passe plusieurs mois par an dans la capitale française. Pour lui, qui était dans une phase de profonde réflexion, les séjours parisiens se révèlent fondamentaux. Il y achève son roman Candide ou un rêve fait en Sicile.

Italo Calvino

Italo CalvinoMais la personnalité du monde littéraire la plus représentative parmi les Italiens de Paris d'après-guerre est sans doute l'écrivain ligure Italo Calvino (Havane 1923 - Sienne 1985). Tout d'abord en raison de son long séjour à Paris de presque treize ans. Ensuite grâce à sa participation active et à son apport personnel au débat littéraire au sein du Groupe Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle, émanation du Collège de Pataphysique d'Alfred Jarry). Calvino, bien avant de s'installer à Paris en 1967, était déjà en contact constant avec la ville et son milieu littéraire. Il a notamment en 1962, au cours d'un de ses nombreux voyages à Paris, fait la connaissance d'Esther Judith Singer, dite Chichita, traductrice argentine, qu'il épousera deux ans plus tard à La Havane. Il a déjà écrit plusieurs de ses chefs-d'œuvre comme Le Baron perché, La route de San Giovanni, Cosmicomics, Le Chevalier inexistant et commence à être célèbre, lorsqu'en 1967 Calvino, sa femme et sa fille Giovanna, âgée de deux ans, s'installent à Paris, avec le projet d'y rester cinq ans. Mais, en fait, ils y resteront jusqu'en 1980. La famille va habiter dans un pavillon au square de Châtillon. La même année, il achève sa traduction des Fleurs bleues de Raymond Queneau. En 1980, Italo Calvino quitte la France pour s'installer à Rome.