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La science des adieux - Elisabetta Rasy

Peu de couleurs dans les pages de La science des adieux, le blanc de la neige, le gris des nuages, des rues, des immeubles, le noir de la nuit sibérienne. Nadia, Nadejda Mandelstam se souvient de sa jeunesse, des années passées avec son mari, le poète Ossip Mandelstam, de leur première rencontre à Kiev jusqu'à sa déportation en Sibérie en mai 1938, où il mourra le 5 février 1939.
Le livre décrit bien ce rapport tourmenté et fusionnel qui se nourrissait d'amour, de poésie ainsi que de trahisons, de blessures, de déchirures. Ossip était un esprit libre qui dérangeait le pouvoir dans l'époque sombre du stalinisme. Il se moquait des consignes du parti et continuait à écrire ce qu'il ressentait, ce qui lui valut plusieurs condamnations. Un esprit éternellement insatisfait, dont la soif de justice était telle qu'il ne se souciait pas des conséquences de ses dénonciations. Des caractères forts, ceux d'Ossip, Nadejda et leurs amis, qui restent dans une sorte d'évanescence. On n'arrive jamais à bien les saisir, ils s'échappent à chaque fois que l'on pense les tenir. Ossip qui partira à jamais en cet hiver 1939 et Nadedja qui le gardera toujours auprès d'elle. Eurydice est allée chercher Orphée au Tartare et elle ne s'est pas retournée.
C'est un livre plein de lyrisme, où les citations des poèmes d'Ossip Mandelstam s'intègrent bien. Seul bémol, la traduction. Elle est parsemée de maladresses grossières avec des choix terminologiques franchement incompréhensibles.

Stefano Palombari

Le Mot de l'éditeur

Nadejda n'a que dix-neuf ans quand elle rencontre Ossip, le 1er mai 1919 ; elle est fascinée par ses vers, convaincue de partager avec lui quelque chose de mystérieux, " l'insouciance et la conscience d'une catastrophe inéluctable ". Un amour absolu naît aussitôt entre eux. Tout au long de leurs vingt ans de vie commune, dans un pays bouleversé par la révolution et la guerre civile, affrontant la misère et la faim, la maladie, la peur, les délations, les vexations littéraires et politiques, les époux Mandelstam vagabondent, de Kiev à Leningrad, puis en Crimée, à Moscou, en Arménie, à Yalta... jusqu'en 1938, année où Ossip est déporté et meurt dans un goulag sibérien. Au fil des années, Nadejda est devenue la mémoire vivante de ce poète habité. Pressentant la persécution dont il sera victime, elle a retranscrit ses vers, les a appris par coeur et diffusés auprès de leurs amis. C'est ainsi qu'elle donnera aux poèmes de son mari le destin public que l'Union soviétique avait peu à peu nié à cet homme ayant " l'habitude dangereuse de dire ce qu'il pense ". Derrière le portrait de cet être fragile qui fut l'un des plus grands poètes du XXe siècle, Elisabetta Rasy dépeint la Russie des années trente, en faisant revivre la tragédie des artistes d'avant-garde.
Elisabetta Rasy a passé son enfance à Naples. Ecrivain, journaliste et spécialiste de littérature féminine, elle vit actuellement à Rome. Ses livres - romans, recueils de nouvelles et essais - sont traduits dans plusieurs langues.