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Mon frère est fils unique roman de Antonio Pennacchi

Un chemin sans fin

" Tu as fait la moitié du chemin ", c'est la phrase que la mère d'Accio avait l'habitude de répéter à chaque fois que l'un de ses enfants obtenait un bon résultat. Le père était totalement effacé. C'était elle qui décidait tout dans la maison. Et c'était elle, avec ses préférences non dissimulées, qui était à l'origine de tous les malheurs d'Accio. Déjà son prénom. Pour ses frères Manrico et Otello et ses soeurs Norma, Violetta et Mimì, ils s'étaient inspirés des personnages d'opéra, unique concession à la volonté paternelle, son père étant un grand passionné de musique lyrique. Lui, en revanche, on l'appelait tout simplement Accio, qui en italien est le suffixe que l'on ajoute à un mot pour lui donner une connotation négative.
Accio nous raconte sa vie, à la première personne, avec un style vivace et pétillant. Un vrai plaisir. Il démarre en politique comme fasciste. Il s'inscrit au MSI, parti qui s'inspirait de la politique du Duce, et intègre des groupes de casseurs. Mais au fur et à mesure il est de moins en moins convaincu. Il se rend compte qu'au lieu de préparer la révolution, la plupart de ses camarades étaient tout simplement les chiens de garde du capital. Ils tapaient plus volontiers sur les ouvriers que sur leurs patrons. À côté des événements personnels, on voit défiler l'histoire de l'Italie d'après guerre jusqu'à la fin des années '60. Les injustices, la contestation, la liberté sexuelle, la répression et la " stratégie de la tension ". Par le biais de son personnage, Pennacchi prend une position nette en dénonçant la violence de l'état, avec ses bombes, celles de Piazza Fontana à Milan, des trains et de la gare de Bologne, qui ont permis aux partis au pouvoir de se maintenir en place.
« Vous vous demandez : " mais qui les a posées ces bombes ? " Je vous trouve un peu nigauds, qui voulez-vous que ce soit ? C'était la Démocratie chrétienne, le parti-État, l'État démocratique. Vous me dites : " Non, pas lui mais ses services dévoyés. " Là, je vous trouve encore plus nigauds. A-t-on jamais entendu parler de " services dévoyés " ? Les services secrets sont dévoyés par définition [...] s'ils n'étaient pas dévoyés, ils n'auraient pas besoin d'être secrets ».
Le roman de Pennacchi a inspiré le film éponyme qui sort en salle le 12 septembre, seulement inspiré, car le film s'éloigne beaucoup du livre. Cependant, la lecture de cet ouvrage passionnant, qui se lit d'un seul coup malgré ses 440 pages, peut aider à éclairer certains points du film.

Stefano Palombari

Le mot de l'éditeur

C'est l'histoire d'un qui s'appelle Accio. La scène est dans les années 60, en Italie : famille modeste, foi intacte. Accio nous prend par la main quand il est en bouton : tourment de la foi, lierre grimpant des tentations, école et parfum de confessionnal. On l'accompagne au fil d'une fugue, au vif des rixes et broncas familiales, on le suit au MSI, chez les néomussoliniens où il entre pour fronder un peu plus, joue les gribouilles et se fait sortir pour perturbation de concert (une fanfare américaine). Des tentations, le lierre grimpe encore et fleurit peu : branlette et déniaisement triste. Mais le noir de la chemise se fait libertaire au soleil de Francesca, tantôt radieuse « Walkyrie milanaise », tantôt statue de sel, et Accio passe du Duce aux camarades : action révolutionnaire, manifs, piquets de grèves, coups encore, coups toujours, jusqu'à la mort, la clandestinité. La boucle se bouclera comme de juste : dans un confessionnal. Ainsi va la vie d'Accio Benassi, fils, frère et foutu furieux, entre madone et uppercut, fraternité et rendez-vous manqués, coups de coeur et coups de boules : entre Guerre froide et années de plomb, dix ans dans la vie de l'Italie moderne.
Le roman d'Antonio Pennacchi (Il fasciocomunista) a été adapté au cinéma par Daniele Luchetti. Présenté au dernier Festival de Cannes dans la sélection Un Certain Regard, il sortira dans les salles françaises le 12 septembre 2007.
Antonio Pennacchi. Né à Latina en 1950 et depuis : marié, père de deux enfants, grand-père. Jusqu'à récemment, il fut travailleur de nuit dans une usine de câbles. Très jeune, il s'inscrit au MSI (parti néofasciste), avant d'en être expulsé et de rejoindre les troupes marxistes-léninistes par le biais du mouvement Servire il popolo. Il rejoint par la suite le Parti Communiste italien ainsi que de nombreux syndicats et mouvements comme le PSI, la CGIL, la UIL... En 1982, son expulsion de la CGIL marque une rupture avec la politique. Il a alors plus de quarante ans, fréquente pour la première fois les bancs de la fac, et se met à écrire des romans. Il a depuis collaboré au documentaire Latine/Littoria de Gianfrance Pannone dans lequel il raconte la transformation de sa ville natale.