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Battement d'ailes de Milena Agus

Madame est l' « homme nouveau », d'après la définition du grand-père. Car Madame n'est pas attachée aux biens matériels, n'aime pas l'argent, s'habille avec des vêtements qu'elle confectionne elle-même avec des tissus de récupération, car Madame ne cède pas aux sirènes des promoteurs immobiliers qui veulent s'emparer de sa vielle maison près de la mer pour la détruire et en faire un village de vacances. Mais Madame, qui a dépassé la trentaine, est en mal d'amour. Elle est prête à troquer sa dignité contre un peu de tendresse. L'homme nouveau qui se livre à des jeux sado-maso, un épilogue bien triste pour cette chimère qu'on poursuit depuis des siècles.

C'est une gamine de quatorze ans qui raconte tout ça à travers son journal intime. Le ton est bien adapté à l'âge de la narratrice. L'auteur a dû faire appel à son côté adolescent. Ce qui n'a pas dû être trop difficile car c'est un conte de fée où Milena Agus semble se trouver bien à l'aise. Cette histoire décalée est peuplée de personnages curieusement banals dans leur évidence. La fraîcheur de la voix narratrice rappelle la timidité enfantine avec laquelle l'auteur répond aux questions des journalistes.

Il s'agit d'un livre très difficile à définir. C'est une petite histoire, tellement petite qu'elle devient presque évanescente mais qui se lit avec plaisir. Pour en saisir la teneur, il faut peut-être se pencher un peu plus sur l'auteur qui est la vraie surprise. Malgré le succès obtenu avec Mal de pierre, son précédent roman, elle garde une lucidité et une humilité remarquables.
C'est elle la « femme nouvelle ». Elle a toutes les caractéristiques de son personnage. Sauf peut-être dans le domaine le plus intime. Elle reste attachée à son travail d'enseignant dans un lycée en Sardaigne. L'Île qui est la vraie protagoniste de ses romans et qu'elle ne quitte jamais. En revanche, elle fuit les plateaux comme la peste, fidèle au verbe de la discrétion de l'écriture et de la valeur du texte.

Par rapport à l'ego démesuré de la plupart des écrivains, ça change et ça fait du bien. Milena Agus écrivain ? Voilà ce qu'elle répond dans une interview au journal Le Monde : « C'est un qualificatif qui se mérite. Tout comme nous ne dirions jamais de quelqu'un qu'il est cuisinier parce qu'il a préparé deux ou trois bons petits plats, de la même façon, pour être écrivain, deux ou trois livres ne suffisent pas. »
Respirez, c'est de l'air pur de Sardaigne. Vu le nombre de bons auteurs sardes de ces derniers temps, il fait des miracles.



Stefano Palombari