Publié le mercredi, 2 mars 2022 à 10h47
Wu Ming, Proletkult. La planète creuse

Quelque part dans la campagne russe, une étrange jeune fille, aux traits androgynes, toque à la porte du paysan Alexeï et de sa femme Pavlina. Nous sommes en 1927. D’où vient-elle ? Dans sa besace elle a de l’argent, beaucoup d’argent, sauf qu’il ne vaut plus rien. Ce sont des roubles à l’effigie du Tsar.
D’une maigreur et d’une pâleur spectrales, Denni, la jeune fille, prétend être à la recherche de son père Léonid Volok. C’était un révolutionnaire qui voulait chasser les Tsars. Son récit est confus. Elle n’est pas au courant que la révolution a eu lieu dix ans auparavant. D’où vient-elle ?
Tout le long de la narration le roman se maintient volontairement en équilibre instable sur la crête fine et subtile de l’ambiguïté. Ses prétendues origines « spatiales », l’existence de « sa » planète Nacun où le socialisme se serait implanté de façon durable, restent en suspens entre une réalité plausible et un fantasme d’adolescente... mais le doute n’est jamais totalement dissipé.
Ce « modèle spatial » fournit le prétexte aux quatre Wu Ming (actuellement ils ne sont plus que trois) de discuter sur les ratés de la Révolution russe. Pour résumer la question : Comment se fait-il que les idéaux de justice sociale et d’émancipation qui étaient le moteur idéologique de la Révolution d’octobre ont pu accoucher d’un régime liberticide où les bureaucrates gouvernaient à la place du peuple ?
Comme l’enfer, les romans sont pavés de bonnes intentions. Lorsqu’on s’attaque à des sujets vastes et complexes on prend le risque de tomber dans des simplifications. Proletkult est sans doute un roman plaisant qui se laisse lire mais on a vu et lu des Wu Ming plus inspirés.
Informations pratiques
- Wu Ming, Proletkult, traduit de l'italien par Anne Echenoz, Métailié, 22 €
Vous pouvez commander ce livre, en italien ou en français, sur le site de La LIbreria