Publié le mercredi, 27 février 2013 à 08h30
Sur le fil
Ivano de Matteo touche souvent là où ça fait mal. Dans son dernier film, La bella gente (Les gens bien), ils pointait du doigt l’hypocrisie du milieu bourgeois à travers un couple qui accueillait une jeune fille prostituée, puis qui la ramenait sur le bas côté, faute d’être « dérangeante ».
Ici, le réalisateur secoue notre confortable routine et en quelque sorte nous avertit : nous pouvons tout perdre d’un coup, notre emploi, nos enfants, notre douce moitié, notre douillet appartement, notre dignité et notre raison de vivre même.
Le « coup » dans ce film est à prendre à la première lettre puisque Giulio, notre héros (Valerio Mastrandrea qui excelle en déchu des temps modernes), perdra tout pour un « coup d’un soir », une misérable tromperie sans importance entre deux étagères de son bureau.
S’ensuivent les disputes avec sa femme, les scrupules de faire souffrir leurs deux enfants, la séparation inévitable et c’est là que le scénario classique coince et vire au cauchemar : en quelques mois seulement, Giulio finit sans le sou, dormant dans sa voiture en plein hiver, à la limite de la vie, sur le fil.
Et pourtant, et c’est la raison pour laquelle de Matteo a fait ce film, Giulio est comme vous et moi. Employé des Postes, il a la sécurité de l’emploi et même si son salaire n’est pas élevé, celui de sa femme le complète et permet à la petite famille de vivre bien ; deux enfants aimants et sans problèmes ; un appartement, une voiture… En somme, une existence tranquille, un avenir fait de certitudes, d’enfants diplômés et de retraite paisible.
Puis l’engrenage d’un système qui ne pardonne pas : avec son seul salaire, il doit maintenant assurer la pension alimentaire, les frais divers des enfants, un nouveau loyer… Le calcul est vite fait mais Giulio qui veut jouer le pater familias qui assure, décide de ne rien dire et de se sacrifier. Il commence par des petits boulots en plus du sien mais qui se terminent vite, trop précaires et épuisants ; il va vivre dans une sorte de pension, dans une chambre minuscule… Cela ne suffira pas…
Ce film étant dramatique mais aussi très réaliste, on peine à croire à un certain moment que Giulio continue de s’enfoncer dans son orgueil et refuse de demander de l’aide, s‘auto-excluant même et rejetant qui veut savoir ; de l’autre on s’étonne, on s’inquiète de la totale ignorance, de la cécité de sa femme, ses amis, ses collègues qui ne remarquent pas sa lente déchéance, sauf quand il est presque trop tard…
« C’est pour ces gens-là que nous avons écrit ce scénario », explique le réalisateur, « pour tous ceux qui sont tombés et que nous avons le devoir d’aider à se relever ».