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Publié le mardi, 4 janvier 2011 à 13h45

O Somma Luce: Dante au cinéma

Par Francesco Romanello

Voici arriver sur les écrans parisiens à partir du 5 janvier « O Somma Luce », le dernier film de Jean Marie Straub. Avec sa compagne Danièle Huillet, décédée en 2006, le réalisateur s’est toujours distingué par un cinéma expérimental très engagé et un langage novateur, de matrice exquisément littéraire (tous les films de Straub/Huillet sont des adaptations de textes littéraires et d’œuvres musicales), qui demande une forte participation émotive et intellectuelle des spectateurs.

Après avoir adapté au cinéma comme au théâtre plusieurs textes d’Elio Vittorini et Cesare Pavese, le cinéaste français – amoureux de l’Italie - centre son dernier ouvrage sur le chant XXXIII du Paradiso (le dernier) de la Divine Comédie de Dante Alighieri, récité et mis en scène par un seul acteur, Giorgio Passerone.

Qu'est-ce qui a pu amener Straub à choisir un auteur chronologiquement aussi loin des auteurs tant aimés qui jusqu'ici avaient trouvé place dans ses films?

Peut-être la réponse se trouve dans la vision même du cinéma exprimée par Straub comme expression de liberté et de conscience absolues, instrument de compréhension profonde du monde et des textes qu’il traduit. Qu’il s’agisse de faire parler les ouvriers de Vittorini ou les dieux de Pavese, la force des textes adaptés par Straub dépasse les textes eux-mêmes, pour s’emparer de l'observateur et atteindre un sens universel. Les mots, leur emplacement spécifique dans un espace-temps donné, expriment une vie et un regard « autres ».

Dans ce cadre, aucun texte ne pourrait mieux exprimer ce sens d’altérité que le Paradis dantesque, l’espace d’un monde au-delà du monde où la parole même devient absolue, expression universelle de sens. En contact avec le divin et la vision céleste de Dante, la dimension mythique du cinéma s’exprime à son plus haut degré.

Une expérience à tenter, un exemple de cinéma pur qui ne renonce pas à l’intégrité de son inspiration.

Le film est précédé d’un court-métrage de Straub, Rome l'unique objet de mon ressentiment, extraits d'Horace et d'Othon de Corneille et de das Verhoer des Lukulus, pièce radiophonique de Brecht.

O Somma Luce (2009), film réalisé par Jean-Marie Straub avec Giorgio Passerone. Distributeur : Baba Yaga Films. Dans les salles à partir du 5 janvier 2011.