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Publié le mercredi, 11 janvier 2017 à 09h49

Solovki, roman de Claudio Giunta

Par Riccardo Borghesi

Solovki - couverture

Solovki est un livre d’aventures. De ces livres pleins de mystères, d’horizons lointains et de lieux exotiques, de rencontres surprenantes et de malentendus culturels. De ce point de vue le roman est très abouti, parce qu’il cloue le lecteur sur place, il l’intrigue, le conduit avec maîtrise à travers une histoire qui rebondit entre plusieurs coups de théâtre.

Solovki est un archipel russe perdu dans les glaces de la Mer Blanche (Mare Bianco étant le titre original, beaucoup plus poétique et évocateur : pourquoi, pourquoi s’obstiner à changer les titres? Pourquoi ne pas accepter que le titre fasse partie intégrante de l’œuvre?).

Les Solovki sont des lieux lointains de tout, balayés par le vent et couverts de glace. Ajoutons qu'ils furent transformés en goulag pendant la période soviétique et qu’ils sont considérées par les autorités russes comme un monde à part. Sur l'île principale se trouve un monastère, orthodoxe évidemment, en restauration sous l’égide de l’Unesco. Trois jeunes architectes florentins, trois amis très liés depuis toujours, bénévoles sur le chantier, disparaissent sans laisser de traces.

Un journaliste indépendant, par manque d’alternative, du même âge et de la même ville que les disparus, est chargé de suivre l’affaire pour un mensuel d’information. Avec intuition, patience et chance il réussira à résoudre le mystère.

Très belles les descriptions de la Russie profonde, aperçue par les fenêtres du train, avec le style précis et évocateur des grands reportages.
En parallèle à l'enquête, nous avons deux autres axes dans le roman. Le premier est le portrait social et anthropologique de Florence, dressé au cours des rencontres avec les amis et les familles des disparus. Portrait à mon avis très réussi.

Dans ma jeunesse j’ai eu l’occasion de côtoyer ce monde, au croisement du peuple et de l’aristocratie. Un monde fait d’étudiants sans le sous (des architectes, beaucoup, énormément d’architectes), destinés au précariat, condamnés à une adolescence infinie par manque de perspectives, mais fait aussi de rejetons de familles nobles, avec les portraits des ancêtres dans le salon, domiciliés dans des palais où leur famille vit depuis des générations.
Remarquable la rencontre avec une de ces jeunes héritières, ex-fiancée d’un des disparus.

In fine il y a le troisième axe, celui personnel du protagoniste, précaire à vie, séparé et père d’un enfant qu’il néglige et qu’il ne sait pas aimer. Disons que cette partie, une sorte de récit de formation d’un vieux post-adolescent, qui à travers les vicissitudes liées à l’histoire, acquiert la conscience du temps qui passe et retrouve les joies de la paternité, sent le déjà lu. Parfois prolixe et pédant, presque logorrhéique, le personnage finit par être pesant. En cela il rappelle tant d’autres écrivains italiens des dix dernières années (je pense au commissaire Ferraro de Biondillo, ou à Malinconico de De Silva par exemple) qui mélangent le récit "disons" d’aventures, avec l’introspection humoristique sur la condition humaine et générationnelle du protagoniste. Cette partie sent donc un peu « la manière », ce qui est dommage car pour le reste, le livre est d'une lecture vraiment agréable et prenante.

Informations pratiques

Solovki de Claudio Giunta, Le Masque, 20,90 €
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