Publié le lundi, 13 octobre 2025 à 09h29
M, L'heure du destin de Antonio Scurati
Nous y voilà, la fin se profile à l'horizon. La fragilité du régime, porté par des hommes médiocres, se révèle enfin de manière flagrante. Comment a-t-il tenu jusqu'à présent ? Violence, opportunisme, corruption. Des rêves provinciaux de splendeur retrouvée, donnés en pâture à un peuple habitué depuis longtemps à une vie humble, aux perspectives modestes et marginales.
Et puis il y a lui, animal politique, doté d'un flair opportuniste hors pair. Il sait anticiper les changements de vent, il sait distribuer à pleines mains les mots que les gens veulent entendre. Les faits viendront, peut-être. Mais pour cela, lui, le Duce des Italiens, doit humer la foule, déambuler parmi les étals du marché, écouter les bavardages dans les bars, respirer leur mécontentement.
Mais après près de vingt ans de régime,
Mussolini s'est isolé de la matière
première sur laquelle repose son
autorité. Il s'est enfermé dans les
palais du pouvoir, s'est habitué aux
voûtes ornées de fresques, ébloui par les
stucs dorés, par la complaisance servile
des hiérarques qui le flattent sans
jamais le contredire. Il est monté dans
sa tour d'ivoire d'où son regard embrasse
des hallucinations de puissance, de
grandeur future. Un empire pour l'Italie,
une suprématie méditerranéenne, un rôle
d'homme d'État admirable d'une nation à
stucs dorés, par la complaisance servile
des hiérarques qui le flattent sans
jamais le contredire. Il est monté dans
sa tour d'ivoire d'où son regard embrasse
des hallucinations de puissance, de
grandeur future. Un empire pour l'Italie,
une suprématie méditerranéenne, un rôle
d'homme d'État admirable d'une nation à
la hauteur des grandes puissances.
Mais de là-haut, depuis la tour d'ivoire,
on ne voit pas dans quel état se trouve
l'armée italienne, son manque de moyens,
son manque de préparation, son
inadéquation archaïque aux champs de
bataille. Militairement et politiquement,
l'Italie est une coquille vide.
À partir de là, la défaite n'est plus qu'à un pas. La résistance armée des peuples que l'on veut soumettre suffit à mettre en déroute l'armée fasciste. On se tourne alors vers l'Allemagne nazie, mais cette alliance opportuniste, méfiante et méprisante, se révélera la plus grande et fatale erreur de Mussolini.
Cette période cruciale, qui a entraîné l'Italie dans la guerre voulue par les nazis, est racontée dans le magistral quatrième volume de M. Scurati, dans ces pages, nous montre avec une efficacité rare, dans l'excellente traduction de Nathalie Bauer, la vanité ridicule du régime et de son chef, sa course aveugle, tête baissée, vers l'abîme, vers l'immense tragédie.
Informations pratiques
- Antonio Scurati, M, L'heure du destin, traduit de l'italien par Nathalie Bauer, Les Arènes, 24,90 €





