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Publié le mercredi, 11 mai 2016 à 16h43

Lisario ou le plaisir infini des femmes

Par Riccardo Borghesi

Lisario ou le plaisir infini des femmes - couverture

Raconter Naples amène à la poétique de l’excès, du mystère, du grandiose tumulte des chairs et de l’esprit, de la magie, de la mort imminente (le Vesuve est là, à marmonner en arrière plan). Pensez à « La peau » de Malaparte, aux romans souterrains de Giuseppe Montesano, à « L'Amour harcelant » de Elena Ferrante, ou aux films de Mario Martone (Leopardi en visite nocturne au « basso » du « femminiello »).

Si de surcroît l’histoire se déroule au dix-septième siècle du vice-royaume espagnol, là où se forge, plus qu'à d’autres périodes, l’âme obscure napolitaine, prise entre la révolte de Masaniello et la grande peste, le résultat ne peut que s’avérer grandiose.

L’écriture précise et élégante, réussit à soutenir le poids du récit, riche en renvois littéraires et historiques. Les scènes sortent des tableaux de Velasquez et des Caravagesques. Habits sombres, en velours et brochés, théâtres anatomiques, nains, corps difformes, peintres riches en art et en faim ancestrale, superstition et obsession religieuse. À la lumière aveuglante du jour s’oppose en contraste l’incertaine lueur des chandelles vespérales.

Celle de Lisario est une histoire baroque, en contenu et en forme. Une histoire sans pudeur, où le sexe, l’amour et la mort, malgré le recours au grotesque, sont abordés avec naturel et élégance, de façon toujours amusante.

Malgré certains artifices stylistiques - voir les lettres que Lisario écrit à la Sainte Vierge qui entrecoupent le texte, ou l’épilogue qui recompose la mosaïque avec une improbable Némésis finale - le livre reste d’une grande puissance narrative.

Les quatre personnages principaux, Lisario, la muette et rebelle héroïne de l’histoire, son mari Avicente, médecin malgré lui, obsédé par le mystère du plaisir féminin, son amant Jacques, peintre et scénographe juif, père de sa fille, et Michael, peintre flamand, homosexuel amoureux de ce dernier, semblent résumer à eux seuls toutes les contradictions et les pulsions de l’époque. Mais le véritable protagoniste reste Naples, le plus grandiose des lieux littéraires, toujours en équilibre entre la misère et la noblesse, entre le paradis et l'enfer.

Informations pratiques

de Antonella Cilento, Actes Sud, 23 €.
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