L'autocollant, roman de Leonora Sartori

Par Caroline Verhille

Les années 80, on ne sait trop dans quel pays. Leo, narratrice haute comme trois pommes est d’humeur ronchonne. Elle nous parle de ses parents, personnages hauts en couleur trimballant leurs enfants au gré des nobles causes à défendre dans la rue. On se dit qu'on serait peut-être bien en Italie ?

Mais voici que nous nous mettons à suivre Jaja, Reid, Regina, eux aussi impliqués malgré eux dans une manifestation qu’il n’ont pas vraiment choisie de suivre, aux conséquences autrement tragiques que l’ennui qu’elles suscitent chez Léo. Nous sommes en Afrique du Sud à la même époque. Avant Mandela, pendant l’apartheid.

On comprend assez vite qu’il s’agit de deux histoires distinctes pourtant reliées par un détail qui pourrait paraitre insignifiant. Un autocollant. Ces personnages que nous raconte Léo, ce sont les Six de Sharpeville, six noirs condamnés injustement pour le meurtre d’une autorité locale et pour qui ses parents ont pris fait et cause, jusqu'à coller un autocollant dans la chambre de leur petite fille.

Leonora Sartori, dont c’est le premier roman, nous fait partager ses souvenirs d’enfance, au sein d’une famille idéaliste et engagée à gauche qui, malgré ses réticences enfantines et sa distance ironique, semble lui avoir transmis le goût des autres. Elle nous raconte aussi un épisode qui a marqué son enfance, une tragédie qui n’aurait pu rester qu’un fait divers dans l’Histoire à des milliers de kilomètres et qui devient avec ce livre des histoires d’hommes, dans un pays moribond, quelques années avant la libération de Mandela et la fin des lois racistes de l’apartheid.

C’est un joli roman, qui laisse à penser que les « losers » (comme l’auteur traite tendrement ses parents lors d’une crise de rébellion adolescente assez drôle) soixante-huitards aux beaux idéaux n’ont pas donné naissance qu’à de jeunes consuméristes blasés.