Publié le lundi, 30 juin 2025 à 10h14
Davide Coppo, Du mauvais côté : l’ambiguïté en héritage
Ce n’est pas un roman spectaculaire. Pas de grand fracas, pas de héros flamboyant. Et pourtant, Du mauvais côté de Davide Coppo reste longtemps en tête. Il laisse une empreinte trouble, fine, persistante ; comme une question mal posée ou un regard que l’on n’arrive pas à oublier.
On y suit un jeune homme, ancré dans une réalité italienne très contemporaine. Une vie banale, presque ordinaire, et pourtant quelque chose intrigue. L’écriture, d’abord : précise, tendue, comme si elle avançait à tâtons, mais sans jamais se perdre. Puis le protagoniste : il nous fascine autant qu’il nous inquiète. On ne sait jamais s’il va chavirer ou se relever. Il a ce mélange de lucidité et de passivité, de colère contenue et de mélancolie sourde, qui rend ses gestes imprévisibles — et profondément humains.
Le roman explore cette zone grise que l’on préfère souvent ignorer. Il n’excuse rien, ne cherche pas à expliquer par de grandes théories ; il donne à voir, simplement, ce glissement lent, imperceptible, vers autre chose. Une fatigue du monde, une solitude mal cicatrisée, des frustrations qui s’accumulent, et l’on se retrouve face à un garçon que l’on regarde d’abord de loin, puis d’un peu plus près, jusqu’à se demander si, parfois, on ne lui ressemble malheureusement pas un peu.
Ce glissement vers « autre chose », justement, n’a rien d’anodin. Ce n’est pas une simple mélancolie ou un vague désenchantement : c’est un mouvement trouble vers une idéologie qui, elle, ne l’est pas. Fascisme, haine larvée, ressentiment : l’auteur ne les justifie jamais, mais il nous met face à leur pouvoir d’attraction quand plus rien ne semble faire sens. Cela donne des frissons. Parce que l’on comprend le cheminement, sans jamais pouvoir l’excuser. Et que cette proximité inquiète autant qu’elle révolte.
Ce n’est ni un manifeste, ni une chronique sociale, mais il y a de tout cela. Un regard posé sur une génération perdue, sur des destins minuscules, sur ce que l’on devient quand tout semble trop lent, trop flou, trop injuste. Ce malaise, Davide Coppo le fait ressentir de manière impressionnante, sans jamais forcer le trait.
La fin ne tranche rien. Elle ne juge pas, ne rassure pas non plus. Elle laisse une ouverture, un souffle, un doute. Le lecteur termine le livre un peu inquiet, un peu changé aussi. Car c’est un roman qui nous confronte à ce que nous sommes capables de tolérer — chez les autres, mais surtout en nous. Et à cette frontière, si fine, si fragile, qui peut, un jour, nous faire basculer du mauvais côté.
Informations pratiques
- Davide Coppo, Du mauvais côté, traduit de l'italien par Samuel Sfez, Calmann-Levy, 21,50 €





