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Publié le mercredi, 28 décembre 2016 à 10h16

Marco Bellocchio, le marchand de rêves du cinéma italien

Par Antoine Le Fur

Aux côtés de Valerio Mastandrea, nous retrouvons Bérénice Bejo qui a appris spécialement l’italien pour le rôle.

Présenté en ouverture à la Quinzaine des Réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes, Fais de beaux rêves marque le retour en grâce de Marco Bellocchio. Le deuil, la culpabilité et le pardon sont autant de thèmes abordés par le cinéaste dans ce film d’une grande maîtrise malgré un montage peut-être trop alambiqué.

Avec Nanni Moretti, il est l’un des derniers grands réalisateurs du cinéma italien du siècle dernier. Celui d’une génération intermédiaire, postérieure aux grands Fellini ou Visconti, mais antérieure à celle des jeunes pousses de ces dernières années que sont les Sorrentino, Garrone ou Guadagnino. Marco Bellocchio, 77 ans, est toujours en forme et son inspiration se porte on ne peut mieux. La preuve avec Fais de beaux rêves (Fai bei sogni), son dernier film, adapté du best-seller de Massimo Gramellini. L’histoire d’un homme (Valerio Mastandrea, tout en finesse) hanté par le souvenir de la mort de sa mère, alors qu’il n’avait que neuf ans. Malgré un passionnant travail de journaliste et une jolie médecin qu’il fréquente (Bérénice Bejo, lumineuse), il se retrouve incapable de faire son deuil. Les blessures qu’il pensait enfouies finissent alors par remonter à la surface.

Esthétique en clair obscur, ambiance mortifère, non-dits à l’intérieur d’une famille… Pas de doute, nous sommes bien chez Bellocchio. Et autant le dire de suite, c’est certainement l’un de ses plus beaux mais aussi intenses films depuis Vincere en 2009. Avec Fais de beaux rêves, le cinéaste italien prend son temps pour laisser au spectateur le temps de s’installer dans cette histoire qui se déroule sur trois époques et sur plusieurs pays puisque l’on va voyager avec le personnage principal, reporter de guerre, que l’on suit au moment du conflit en Ex-Yougoslavie dans les années 1990. Ce serait peut-être là l’une de nos seules et petites remarques que l’on pourrait adresser au film. En entrelaçant ces différentes périodes dans le récit, qu’il place de manière alternée et sans linéarité, Marco Bellocchio nous éparpille quelque peu et l’on aurait tendance à perdre le fil de l’intrigue. Qu’à cela ne tienne, l’émotion ne se perd pas et va crescendo jusqu’à la révélation finale.

En homme tourmenté par son passé, Valerio Mastandrea (l’un des meilleurs comédiens italiens de la jeune génération dixit Jean Gili !) est prodigieux. Son jeu, tout en intériorité, se révèle d’une grande intensité. A ses côtés, Bellocchio a également donné de jolies partitions à deux comédiennes françaises, faisant ici leurs premiers pas dans le cinéma transalpin : Bérénice Bejo, comme nous l’avons rarement vu, mais aussi Emmanuelle Devos, filmée comme une apparition fantasmagorique.

Si certains en doutaient, Fais de beaux rêves met les choses au clair. Non, le cinéma italien n’est pas mort et l’on peut être un grand cinéaste comme Bellocchio et continuer à réaliser de beaux films.

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Critique du film Fais de beaux rêves de Marco Bellocchio