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Publié le jeudi, 6 septembre 2012 à 12h19

Magari, nouveau roman d'Éric Valmir

Par Stefano Palombari

Un titre énigmatique, italien, qui n’est rien d’autre qu’un mot intraduisible en français. Drôle de façon de nommer un roman. Ce serait certainement plus adéquat pour un traité de linguistique. Et pourtant, en plus petit, juste en dessous du titre mystérieux c’est bien marqué « roman ».

Il y a juste un an, un philosophe français avait parlé de magarisme pour désigner l’esprit italien. C’est une clef de lecture intéressante pour comprendre la démarche d’Éric Valmir. Ce Magari, là, sur la page blanche de la couverture, qui revient aussi, régulièrement, dans le texte, a plusieurs significations, comme mot, bien évidemment, et dans l’économie du roman.

Tout d’abord, cela suggère une piste à ne pas négliger pour tenter de deviner la chute, mais je ne vous en dirai pas plus. Et puis, l’énigme est bien présente dans l’histoire récente du Belpaese. On peut dire que les mystères, et pas seulement ceux divins, sont la colonne vertébrale des événements qui ont, plus ou moins violemment, bouleversé les dernières décennies de l’histoire italienne.

Le titre du roman de Valmir est aussi une invitation à creuser. Une culture, un peuple, une histoire ne peuvent pas se résumer à quelques clichés, faciles oui, mais d’autant plus faux qu’ils semblent évidents.

Cette absence de nuance est aussi le gros regret de Lorenzo, le protagoniste, qui meut ses premiers pas dans un moment d’affrontements radicaux. Le monde, notamment celui de ses parents, semble se résoudre en une opposition permanente entre fascisti et comunisti. Dans chaque activité quotidienne, on ne sort pas de ce dualisme. Même son Nonno bien aimé, qui pendant tant d’années avait bien caché les symptômes de ce virus, sur son lit de mort, il se dévoile.

En réaction à tout ça, le pauvre Lorenzo, s’écarte de tous les milieux infectés par cette opposition. Il fuit donc vite la fac (biotope où l’homo politicus prospère), pour se consacrer à sa grande passion, le foot. Son rêve, devenir journaliste sportif.

Magari est une balade dans le temps et dans l’espace. Lorenzo n’a que 8 ans, dans les premières pages du livre, on est à la fin des années 70, on le suit de façon pas toujours linéaire, jusqu’en 2001. Il est Romain, une bonne partie se passe dans la capitale mais il passe ses vacances à Todi, en Ombrie chez son grand-père, et puis dans les dernières années il voyage souvent en Sicile. Île dont il tombera amoureux. Mais peut-on résister au charme de la Sicile ?

Les événements marquants de l’histoire italienne entre ‘79 et 2001 sont tous là. Lorsque l’auteur les évoque, ça fait frémir des cordes rouillées de ma mémoire : La tragédie du petit Alfredino Rampi , tombé dans un puit, agonie qui a tenu en haleine toute la Péninsule pendant plusieurs jours, le tremblement de terre de Naples et de l’Irpinia, ce 23 novembre 1980, que j’ai personnellement « subi », les bombes qui tuèrent les juges Falcone et Borsellino, l’arrivée des chaînes télé commerciales…

Ces événements sont le plus souvent une sorte de bande audio qui accompagne, sans la toucher vraiment, la vie de Lorenzo, entièrement absorbée par les matchs de la Rome et ses amours malheureuses. L’actualité, comme la politique, ce n’est pas « son truc ». Comme, d’ailleurs, pour la plupart des jeunes de son âge. Ce qui peut expliquer en partie la victoire de Berlusconi, qui surjouait justement le rôle de l’antipolitique, quelques années plus tard.

Magari est un livre qui me touche particulièrement. Ayant plus ou moins le même âge que le protagoniste, j’ai, en quelque sorte, revécu pas mal d’événements évoqués dans le roman. Dont mon adolescence en Ombrie dans les années 80.
Et puis il y a l’amour, celui d’Eric Valmir pour l’Italie et les Italiens transpire à chaque page. Un amour qui se manifeste également sous forme de connaissance étonnante de l’histoire récente du pays. Chaque événement est raconté avec précision et profusion de détails. Une plongée dans ces années-là, absolument bénéfique.

Informations pratiques
Magari
Auteur : Éric Valmir
Éditeur : Robert Laffont
Prix : 21 €

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Magari, Éric Valmir - Couverture
Robert Laffont, 20 €