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Publié le vendredi, 27 novembre 2015 à 10h36

Luigi Nono : Prometeo «tragedia dell’ascolto»

Par Karima Romdane

Luigi Nono- couverture

Prometeo « tragédie de l’écoute », marque le point d’aboutissement, le point culminant du portrait que le Festival d’Automne à Paris consacre en 2014 et 2015 au compositeur vénitien Luigi Nono (1924-1990). Somme de sons et de mythes, bibliothèque imaginaire de dieux et de titans, l’œuvre est un théâtre de notre mémoire, des noms de héros qui la peuplent et des cartes que nous en avons tracées : des strates d’instants musicaux suspendus, gorgés de silences, qui se prolongent l’un l’autre ou s’interrompent à l’occasion.

Luigi Nono emprunte le mythe de Prométhée à Eschyle et le dépouille de tout élément narratif. Le texte, dans certaines sections, n’est plus que trace sur la partition, comme un chant muet, destiné au sentiment le plus intérieur des interprètes. Et Prometeo ne donne rien à voir, n’est en rien un opéra, au sens classique, malgré la diversité des forces vocales, instrumentales et électroniques convoquées. C’est au son entièrement, à ses murmures et à ses déflagrations, qu’est dévolue la fonction de la représentation. « Tragédie de l’écoute » est son sous-titre.

Commencé au milieu des années 1970, alors que les idéologies se fissurent déjà à l’épreuve du pouvoir et des échecs révolutionnaires à travers le monde, achevé presque dix ans plus tard, Prometeo est conçu non en scènes, mais en îles et en stasima (ces moments de chœur de la tragédie antique). Comme un itinéraire à travers un archipel riche de traversées possibles. Chaque île livre le Titan à un thème : ses dons ; les prophéties délivrées à Io, aimée de Zeus qui la transforma en génisse pour la soustraire à la jalousie d’Héra ; les travaux et les jours, quand le dieu n’est plus ou qu’il s’est retiré dans un désert ; la loi et la norme ; l’ange…

Prometeo devient ainsi, peu à peu, patiemment, l’exégèse d’un mythe, où le nom de celui qui défia l’Olympe est tenu de recueillir d’autres figures de la culture européenne. Prométhée y est Prométhée, mais aussi Ulysse, Achille et Moïse.

Durée : 2h20 sans entracte. Textes réunis par Massimo Cacciari, Walter Benjamin, Eschyle, Euripide, Goethe, Hérodote, Esiode, Friedrich Hölderlin, Pindare, Arnold Schoenberg, Sophocle. Avec : Susanna Andersson, Christina Daletska (sopranos), Els Janssens, Noa Frenkel (contraltos), Markus Francke (ténor), Caroline Chaniolleau, Matthias Jung (récitants), Ensemble Recherche // Schola Heidelberg − Walter Nussbaum (chef de chœur) SWR Sinfonieorchester Freiburg/Baden-Baden // Ingo Metzmacher, Matilda Hofman (chefs d’orchestre). SWR Experimentalstudio de la Fondation Heinrich Strobel, Michael Acker, Reinhold Braig, Joachim Haas (régie du son). André Richard (conception de l’espace sonore et direction de la régie du son). Coproduction Philharmonie de Paris, Festival d’Automne à Paris en collaboration avec le Holland Festival Amsterdam et le Festival de Zurich/Tonhalle

Autour du spectacle : Clés d'écoute Luigi Nono - Les archipels de Prometeo avec Laurent Feneyrou, musicologue
Lundi 7 décembre 2015 à 19h45 Entrée libre
Le programme du concert est présenté par un musicologue ou un critique musical. Cette introduction offre un éclairage sur le contexte esthétique, la biographie des compositeurs ou l'interprétation pour mieux s'immerger ensuite dans la musique. Les clés d'écoute débute 45 minutes avant le concert et dure 30 minutes.

Informations pratiques
  • Philharmonie de Paris - Grande salle
  • 221 avenue Jean-Jaurès 75019 Paris (M° Porte de Pantin). Tarifs 10 à 55€ // Abonnement 8€ à 46,75€. Pour réserver en ligne
  • Lundi 7 décembre 2015 à 20h30