Archives Art Italien

Publié le jeudi, 17 mai 2012 à 11h55

Lisa Sartorio. Décora©tif

Par Ilaria Venneri

La Galerie Binôme présente les travaux des cinq dernières années de l’artiste, qui attestent d’un don pour jouer de l’image fixe afin d’engendrer de nouvelles formes photographiques. Ainsi, la série des Suspensions (2010), emprunte à l’évidence au cinéma sa mise en scène des personnages, le mouvement de la caméra et le travail de montage. Étrange confrontation entre cet homme solitaire et deux enfants ouvrant leurs cadeaux. Souvenirs d’enfance ou nostalgie du pays, réunion de famille ou séparation?

L’image s’appelle Bergmann et, lorsqu’on l’interroge, Lisa Sartorio se réfère aussi au cinéma d’Antonioni. L’amplitude de ces photographies est large, lesquelles donnent à voir tout à la fois un déplacement panoramique et une durée, comme dans un travelling. Le spectateur est ainsi plongé dans une réalité fictive qui s’étale dans une sorte de présent continu, autorisant sans fin toutes les relectures. La série Décora©tif, réalisée en 2012, donne son titre à l’exposition. Ici, la frontière entre fiction et réalité est encore plus tangente. La perception première d’une banale scène d’intérieur est fugace et l’oeil sent rapidement que cette représentation du quotidien dérape.

De fait, ces tableaux photographiques orchestrent un décalage entre le jeu de protagonistes que l’artiste dirige, et les intérieurs à vendre d’un magasin de cuisine et d’ameublement. Le contraste est saisissant entre les aspérités physiques des personnages et l’aspect lisse des lieux. Le mystère, la poésie, la folie, qui font les choses de la vie, ne se dégagent pas des meubles laqués, mais bien de ces êtres dont le regard songeur, ou la posture décalée, s’imposent finalement à ces espaces muets.

L’inattendu est également au rendez-vous dans les conjonctions photographie et dessin. Cette association des formes compose des oeuvres hybrides qui, au delà de leur apparence fantasque, reprennent les préoccupations centrales de l’artiste : la bouche pour le rapport au langage, aux non-dits, comme l’expression d’un cri ; la main, fondamentale dans l’histoire de l’art, comme outil et sujet ; les pieds, véhicule et symbole du déplacement dans l’espace.

De manière inédite, la série des dessins d’un tirage rend compte des coulisses de la production d’une oeuvre numérique par l’enregistrement des gestes du tireur Christophe Batifoulier lorsque celui-ci travaille les images qui lui sont confiées. Un des Moteurs de Valérie Belin, un Homme marchant dans la steppe de Sluban Klavidj... hésitent entre la gravure abstraite et l’étude délicate à la mine de plomb.

Informations pratiques
Galerie Binôme
19 rue Charlemagne 75004 Paris
Tel. +33 (0)1 42 74 27 25
Dates : jusqu'au 16 juin 2012
Lisa Sartorio
Galerie Binôme, jusq'au 16 juin 2012