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Publié le mercredi, 1 février 2012 à 09h00

À Naples, les rêves se réalisent

Par Emilie Voisin

La Super 8 de Giovanni Cioni se plante à Naples mais dans des lieux pour le moins insolite : des cimetières, des cryptes, une grotte où sont ensevelis des milliers de crânes (les morts de la peste de 1652)… Et il se dégage immédiatement deux sensations: la première est une humanité forte qui transparaît lors des rencontres, des liens qui se tissent entre le réalisateur et les personnes interviewées et la seconde est une vision loin des lieux communs qui montre une Naples et ses habitants empreints de mysticisme, d’onirisme et de poésie.

Ce film documentaire se construit autour du culte populaire du purgatoire mais finit par toucher, au grés des témoignages, des histoires singulières, à des thèmes philosophiques, spirituels comme la mort, le hasard, le destin, les croyances, l’au-delà, etc… L’originalité réside dans le fait que ce ne sont pas des spécialistes, des érudits qui en parlent mais des gens « normaux », « simples », issus du peuple, vieux et jeunes, aux visages marqués par la vie et dans un mélodique dialecte napolitain. Il y a ces femmes qui s’occupent des morts comme des vivants : caressent les crânes, nettoient les squelettes, apportent des draps propres, leur parlent, leur demandent d’exaucer leurs prières. Ou Franco, par exemple, qui compare la vie à un film et Dieu à un réalisateur qui permettrait à chaque « acteur », à la fin, d’analyser son rôle, ses actes.

Giovanni Cioni écoute, attentif, recueille avec respect et curiosité ces paroles d’inconnus, ne juge pas. Seuls des cartons (commentaires écrits) guident le spectateur dans ses pérégrinations : du cimetière des Fontanelle à l’immense Poggioreale – comparé à l’usine Fiat de Turin car il y a plus de morts que d’ouvriers ! – en passant par les « Limbes », cimetière des enfants non baptisés ou morts nés ou la « cour des miracles », un groupe d’hommes présentés comme des voleurs du dimanche qui jouent aux cartes et discourent de justice, de Dieu et de malchance.

Tombes, crânes, photos, fleurs, offrandes, prières, rites, légendes, chants… On sent une sorte de fatalisme mêlé à de l’espoir quand ces Napolitains évoquent superstitions, saints protecteurs et petits miracles mais aussi beaucoup d’ironie, quand un petit vieux sourit en disant « si les morts ne sont jamais revenus, c’est qu’on doit être bien là-bas ».

À Naples, les rêves ont force de prémonition : ils ne se racontent qu’après midi, annoncent joie ou malheur, se réalisent parfois. La croyance veut qu’il faut jouer au « Lotto » les chiffres que l’on rêve. D’ailleurs un homme délivre trois chiffres : 4 32 49… Auront-ils porté chance à Giovanni Cioni et à son film documentaire ?

scène du film de Giovanni Cioni
Critique du film In purgatorio