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Publié le vendredi, 27 juin 2008 à 12h41

Eloge de la laideur

Par Stefano Palombari

Fin observateur et calculateur, M. Alphonse Courrier, commerçant aisé d’un village auvergnat, se retrouvera pris à son propre piège. Sa vie était réglée comme une montre suisse. Bel homme, aux multiples liaisons, un fois atteint l’âge de 33 ans, il décida de se marier. Car il le fallait. Par convention, pas par conviction et surtout pas par amour. Mais comment choisir sa femme ? Et bien, elle serait l’exact contraire de ses maîtresses. Celles-ci avaient presque toutes une caractéristique commune, elles étaient laides. « Les femmes laides sont plus généreuses » aimait répéter M. Courrier. A l’image d’Adèle, femme moche et disgracieuse mais avec qui Alphonse Courrier entretenait une liaison paradoxalement fidèle.

Quelques temps avant le mariage d’Alphonse, ils avaient pris l’habitude de se voir tous les mardis et vendredis. Ce qu’ils continuèrent à faire bien après le mariage. Agnès, la future femme d’Alphonse était parfaite. « Les épouses ont le devoir d’être ainsi » ce qui n’est pas le cas des maîtresses. Agnès Duval, qui venait du village voisin était jolie, bien qu’un peu corpulente. Elle savait bien gérer la maison et se révéla une très bonne mère. Mais le cœur d’Alphonse appartenait à Adèle, à qui il continuait de consacrer ses deux jours par semaine. Cependant, il s’intéressait aussi à une autre jeune fille, elle aussi au visage ingrat, Germaine, la voisine. Les intentions d’Alphonse à son égard rendait folle de rage Agnès, qui démontra toute son habileté d’araignée. Elle arriva finalement à l’éloigner.

Tout les engrenages bien rodés de cette vie monotone quoique satisfaisante, que même la guerre n’avait pas perturbés, éclatèrent en 1917 avec l’éclatement de l’affaire Alphonse Courrier. C’est justement ainsi que s’ouvre ce roman surprenant, original et remarquablement bien écrit. L’auteur tient tout de suite, dès la première ligne, à nous faire savoir que quelque chose de retentissant se passera en 1917. Mais après, elle prend son temps. Elle démarre doucement, très doucement, en 1900. Dix-sept ans à écouler avant de savoir de quoi il s’agit. Dix-sept ans pendant lesquels le lecteur cherche inlassablement des signes, quelques traces de ce qui arrivera plus tard…

Avec un rythme extrêmement lent mais jamais ennuyeux, une attention maniaque au moindre détail, qui rappelle un peu Gadda, comme la description d’Agnès qui ramasse les miettes de pain, l’auteur titille savamment la curiosité du lecteur, le tient en haleine. A remarquer aussi les quelques incursions directes de l’écrivain dans son histoire, une sorte de distanciation brechtienne.

Marta Morazzoni (Milan, 1950) a été révélée au public par son premier livre, La Jeune Fille au turban (1986), traduit en neuf langues. En 1988, L'Invenzione della verità a été récompensé par le prestigieux prix Campiello. Professeur de lettres, critique littéraire, elle est l'auteur de plusieurs romans et recueils de nouvelles. L'Affaire Alphonse Courrier, prix Campiello 1997 en Italie, a reçu en 2001, en Angleterre, l'Independent Foreign Fiction Award.

Interview de Marta Morazzoni à propos de L'Affaire Alphonse Courrier
Informations pratiques
L'Affaire Alphonse Courrier
Auteur : Marta Morazzoni
Éditeur : Actes Sud
Traducteur : Marguerite Pozzoli
Prix : 19 €
Parution : juin 2008

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L'affaire Alphonse Courrier de Marta Morazzoni
L'Affaire Alphonse Courrier de Marta Morazzoni